par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 13 décembre 2012, 11-12158
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
13 décembre 2012, 11-12.158

Cette décision est visée dans la définition :
Secret / Secret professionnel




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'agissant sur le fondement d'un arrêt du 21 janvier 2008 de la cour d'appel de Reims qui avait condamné la société Axa France IARD (la société Axa) à lui payer une certaine somme, provision déduite, avec intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2001, M. X... a fait procéder, le 31 juillet 2009, à une saisie-attribution à l'encontre de la débitrice qui a saisi un juge de l'exécution pour en demander la mainlevée ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident éventuel de la société Axa :

Attendu que la société Axa fait grief à l'arrêt, confirmatif de ce chef, d'avoir écarté des débats les pièces n° 8 et 9 de première instance et portant les n° 14 et 15 en cause d'appel, produites par elle, alors, selon le moyen, que, s'il est de principe que les correspondances échangées entre les avocats sont couvertes par la confidentialité, une partie peut en faire état si elle estime qu'elles concrétisent un accord entre elles ; qu'en écartant des débats les décomptes produits, aux motifs inopérants que la confidentialité n'en avait pas été levée par le bâtonnier des avocats de Douai, sans procéder elle-même à leur examen et sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant expressément invitée, si ces décomptes ne renfermaient pas un accord entre la société Axa et M. X..., dont ils constituaient dès lors un mode de preuve légalement admissible, accord dont l'existence était déterminante sur l'issue du litige, puisqu'il s'agissait de l'aveu, par M. X..., en 2009, de ce que la totalité des paiements qu'il avait reçus excédait largement le montant de sa créance, quand bien même celle-ci dût être arrêtée au montant auquel le dispositif de l'arrêt du 21 janvier 2008 -même en faisant abstraction de l'erreur matérielle qu'il contenait- l'avait fixée, la cour d'appel a violé l'article 1341 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté que les décomptes litigieux étaient joints aux courriels adressés par le conseil de M. X... au conseil de la société Axa et faisaient partie de ces correspondances qui ne comportaient pas la mention "officielle", la cour d'appel en a exactement déduit qu'ils étaient couverts par le secret professionnel et, en conséquence, les a, à bon droit, écartés des débats ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais, sur le moyen unique du pourvoi principal de M. X..., après avis de la deuxième chambre civile :

Vu l'article 8, alinéa 2, du décret du 31 juillet 1992 ;

Attendu que le juge de l'exécution ne peut modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites ;

Attendu que pour dire nulle et de nul effet la saisie-attribution pratiquée par M. X... à l'encontre de la société Axa, l'arrêt énonce que l'arrêt du 21 janvier 2008 a, dans ses motifs, fixé l'indemnité due à M. X... par la société Axa à la somme de 302 747,65 euros sans déduire les provisions que celle-ci établit lui avoir versées les 11 et 17 mai 2001, respectivement d'un montant de 114 336,76 euros et de 18 141,43 euros et que M. X... reconnaît avoir perçues, qu'il n'est pas contesté également que la société Axa a versé à M. X... la somme de 155 565,80 euros le 27 octobre 2004 et que, la cour d'appel ayant retenu que la société Axa devait payer à M. X... une somme de 147 181,85 euros, provision déduite, il existe donc une contradiction entre les calculs qu'il convient d'interpréter en retenant que la provision versée est de 288 043,99 euros ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle relevait que l'arrêt du 21 janvier 2008 avait, dans son dispositif, condamné la société Axa à payer à M. X... "la somme de 147 181,85 euros, provision de 155 565,80 euros déduite, avec intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2001", la cour d'appel, qui a modifié le dispositif de la décision servant de fondement aux poursuites, clair et dépourvu de toute ambiguïté quant au montant de la condamnation prononcée et de la provision déduite, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :


CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a réformé le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 4 janvier 2010 et dit nulle et de nul effet la saisie-attribution pratiquée le 31 juillet 2009 à la requête de M. X... à l'encontre de la société Axa France IARD, l'arrêt rendu le 16 décembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne la société Axa France IARD aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Axa France IARD ; la condamne à payer la somme de 2 500 euros à M. X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Tiffreau, Corlay et Marlange, avocat aux Conseils, pour M. X..., demandeur au pourvoi principal

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit nulle et de nul effet la saisie-attribution pratiquée le 31 juillet 2009 à la requête de Monsieur X... au préjudice de la SA AXA FRANCE IARD,

AUX MOTIFS QU'« (…) aux termes de l'article 34 de la loi du 11 février 2004, en toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères a l'exception pour ces dernières de celles portant la mention "officielle", les notes d'entretien et plus généralement toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel ;

« que par des motifs pertinents, justement déduits des faits de la cause et des pièces produites, que la cour adopte, le premier juge a retenu que les 2 décomptes litigieux étaient couverts par le secret professionnel ; qu'en effet, ces décomptes étaient joints aux courriels des 9 et 13 février 2009 adressés par le conseil de Monsieur Claude X... au conseil de la SA AXA FRANCE IARD et font partie de ces correspondances ; que ces courriels étaient confidentiels pour ne pas porter la mention officielle ; que cette confidentialité n'a pas été levée par le Bâtonnier de l'ordre des avocats de la Cour d'appel de DOUAI par son courrier en date du 27 octobre 2009 ; que la référence faite dans le dit courrier aux calculs d'intérêts établis les 9 et 13 février 2009 ne peut être prise en considération dès lors qu'elle fait suite à une correspondance du 22 octobre 2009 qui n'est pas produite aux débats ; que le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point ;

« qu'aux termes de l'article 8 du décret du 31 juillet 1992, le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution ; que l'article L 213-6 du Code de l'Organisation Judiciaire précise que le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit ; qu'ainsi, le juge de l'exécution est saisi de difficultés relatives à un titre exécutoire qu'à l'occasion des contestations portant sur des mesures d'exécution engagées ou opérées sur le fondement de ce titre ; qu'il peu, dans ce cadre interpréter les décisions, fondement des poursuites, uniquement dans la mesure où cela est nécessaire pour statuer sur la régularité ou la validité d'une mesure d'exécution d'ores et déjà entreprise ;

« que par arrêt en date du 21 janvier 2008, la Cour d'appel de REIMS a, dans son dispositif, condamné la SA AXA FRANCE IARD payer à Monsieur Claude X... la somme de 147.181,85 €, provision de 155.565,80 € déduite avec intérêts aux taux légal à compter du 13 avril 2001 ;

« que dans les motifs, la Cour a fixé l'indemnité prévue à l'article 20 du statut des agents généraux d'assurance due à Monsieur Claude X... par la SA FRANCE IARD à la somme de 302.747,65 € sans déduire les provisions versées en mai 2001 ; qu'il n'est pas contestable que l'appelante a versé à Monsieur Claude X... les 11 et 17 mai 2001 des provisions respectivement d'un montant de 750000Fs ou 114.336,76€ et 119000Fs ou 18.141,436 ; que Monsieur Claude X... ne conteste pas avoir perçu les dites sommes d'autant qu'il l'a reconnu dans son acte introductif d'instance du 6 janvier 2004 ; qu'il n'est pas contesté également que la SA AXA FRANCE IARD a versé à Monsieur Claude X... la somme de 155.565,80 € le 27 octobre 2004 en exécution de l'ordonnance de mise en état rendue le 21 septembre 2004 ; que, cependant, la Cour a retenu que la SA AXA FRANCE LARD devra payer à Monsieur Claude X... une somme de 147.181,85 €, provision déduite ; qu'il existe, en conséquence, une contradiction dans les calculs effectués par la Cour qu'il convient d'interpréter en retenant que la provision versée est de 288.043,99 € ;

« que la saisie-attribution querellée a été pratiquée le 31 juillet 2009 à la requête de Monsieur Claude X... au préjudice de la SA AXA FRANCE IARD auprès de la SA BNP PARIBAS pour recouvrement de la somme de 147.181,85€ à titre principal ; que compte tenu des éléments susvisés, la somme restant due par la SA AXA FRANCE IARD était donc d'un montant de 14.703,66 € à titre principal ; qu'il n'est pas contesté que la SA AXA FRANCE IARD a versé la somme de 39.576,01 € le 20 juillet 2009 représentant selon son décompte les intérêts et frais accessoires dus, calcul non contesté par Monsieur Claude X... ; qu'il convient, en conséquence, d'accueillir la contestation de l'appelante et de dire nulle et de nul effet la saisie querellée et d'infirmer le jugement entrepris (…) »,

ALORS QUE la cour d'appel, statuant sur l'appel d'un jugement du juge de l'exécution, ne peut modifier le dispositif de la décision qui sert de fondement aux poursuites ; que dans le dispositif de l'arrêt du 21 janvier 2008 (production), la Cour d'appel de REIMS avait « condamn(é) la SA AXA FRANCE IARD à payer à Monsieur X... la somme de 147.181,85 €, provision de 155.565,80 € déduite » ; que cette condamnation était ainsi motivée : « sur un total réclamé de 372.339,49 €, AXA reconnaît devoir 288.044 €. En ajoutant la retenue de 11.502,22 € le montant s'établit à 302.747,65 € sans déduire les provisions versées en mai 2001 et un complément de provision ultérieur pour atteindre la provision de 155.565,80 € telle que fixée suite à l'ordonnance du juge de la mise en état du 21/09/2004. En conséquence, AXA paiera à Monsieur X... une somme de 147.181,85 €, provision déduite » (arrêt du 21 janvier 2008, p. 3) ; que la Cour d'appel de REIMS avait ainsi retenu, de façon claire, précise et sans contradiction, que la société AXA FRANCE IARD n'avait versé qu'une provision globale de 155.565,80 €, comprenant les provisions déjà versées en mai 2001, de sorte qu'elle restait devoir la somme de 147.181,85 €, au paiement de laquelle elle a été précisément condamnée ; qu'en estimant cependant que l'arrêt susvisé aurait comporté une « contradiction dans les calculs » effectués par la Cour d'appel de REIMS, et en « interprétant » cet arrêt en ce sens que la provision versée aurait été de 288.043,99 €, de sorte que le montant de la condamnation aurait été de 14.703,66 €, la Cour d'appel a modifié le dispositif de l'arrêt précité du 21 janvier 2008, qui était clair et dépourvu de toute ambiguïté quant au montant de la condamnation prononcée et de la provision déduite, en violation de l'article 8 du décret du 31 juillet 1992.
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Axa France IARD, demanderesse au pourvoi incident éventuel

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, d'avoir écarté des débats les pièces n° 8 et 9 de première instanc e et portant les n° 14 et 15 en cause d'appel, produites par la SA AXA FRANCE IARD ;

AUX MOTIFS QUE « aux termes de l'article 34 de la loi du 11 février 2004, en toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-cl, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception pour ces dernières de celles portant Ia mention "officielle", les notes d'entretien et plus généralement toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel ; Considérant que par des motifs pertinents, justement déduits des faits de la cause et des pièces produites, que la cour adopte, le premier juge a retenu que les 2 décomptes litigieux étalent couverts par le secret professionnel ; qu'en effet, ces décomptes étaient joints aux courriels des 9 et 13 février 2009 adressés par le conseil de Monsieur Claude X... au conseil de la SA AXA FRANCE lARD et font partie de ces correspondances ; que ces courriels étaient confidentiels pour ne pas porter la mention officielle ; que cette confidentialité n'a pas été levée par le Bâtonnier de l'ordre des avocats de la Cour d'appel de DOUAI par son courrier en date du 27 octobre 2009 ; que la référence faite dans le dit courrier aux calculs d'intérêts établis les 9 et 13 février 2009 ne peut être prise en considération dès lors qu'elle fait suite à une correspondance du 22 octobre 2009 qui n'est pas produite aux débats ; que le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE, « sur l'incident de communication de pièces, aux termes de l'article 34 de la loi du 11/02/2004, « en toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention "officielle ", les notes d'entretien et plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel" ; qu'en l'espèce, il n'est contesté, ni que les deux décomptes produits en pièces 8 et 9 par la compagnie AXA FRANCE IARD étaient joints aux courriels des 09 et13/02/2009 adressés par le conseil de Monsieur Claude X... au conseil de la compagnie AXA FRANCE IARD, et dont Monsieur le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de la Cour d'Appel de DOUAI, dans son courrier du 27/10/2009 produit, refuse la communication, ni que ces courriels étaient confidentiels pour ne pas porter la mention "officielle" ; que, annexés aux courriels précités, lesquels courriels sont sans contestation de ce chef couverts par le secret professionnel au sens de l'article 34 précité, les deux décomptes litigieux, qui font dès lors partie de ces correspondances, dont ils ne peuvent être détachés, sont nécessairement soumis aux règles qui régissent leur communication, et sont en conséquence également couverts par le secret professionnel instauré en la matière ; qu'il résulte de ce qui précède que leur production effectuée en méconnaissance de ce secret professionnel, ne peut être validée ; qu'ils seront en conséquence écartés des débats, ainsi que le sollicite Monsieur Claude X... » ;


ALORS QUE s'il est de principe que les correspondances échangées entre les avocats sont couvertes par la confidentialité, une partie peut en faire état si elle estime qu'elles concrétisent un accord entre elles ; qu'en écartant des débats les décomptes produits, aux motifs inopérants que la confidentialité n'en avait pas été levée par le bâtonnier des avocats de Douai, sans procéder elle-même à leur examen et sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant expressément invitée, si ces décomptes ne renfermaient pas un accord entre AXA et M. X..., dont ils constituaient dès lors un mode de preuve légalement admissible, accord dont l'existence était déterminante sur l'issue du litige, puisqu'il s'agissait de l'aveu, par M. X..., en 2009, de ce que la totalité des paiements qu'il avait reçus excédait largement le montant de sa créance, quand bien même celle-ci dût être arrêtée au montant auquel le dispositif de l'arrêt du 21 janvier 2008- même en faisant abstraction de l'erreur matérielle qu'il contenait- l'avait fixée, la cour d'appel a violé l'article 1341 du code civil ;



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Secret / Secret professionnel


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.