par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 1er mars 2016, 14-20553
Dictionnaire Juridique

site réalisé avec
Baumann Avocats Droit informatique

Cour de cassation, chambre commerciale
1er mars 2016, 14-20.553

Cette décision est visée dans la définition :
Mesure conservatoire




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu l'article L. 622-28, alinéas 2 et 3, du code de commerce et les articles R. 511-4 et R. 511-7 du code des procédures civiles d'exécution ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, qui est applicable à la procédure de redressement judiciaire, le créancier bénéficiaire d'un cautionnement consenti par une personne physique, en garantie de la dette d'un débiteur principal mis ensuite en redressement judiciaire, peut prendre des mesures conservatoires sur les biens de la caution et doit, en application des deux autres, introduire dans le mois de leur exécution une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire, à peine de caducité de ces mesures ; qu'il en résulte que l'obtention d'un tel titre ne peut être subordonnée à l'exigibilité de la créance contre la caution ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que MM. X... et Z... se sont rendus caution solidaire envers la société Banque Chaix (la banque) d'un prêt qu'elle avait consenti à la société Le Refuge des pirates dans la limite de la somme de 325 000 euros ; qu'après l'ouverture, le 8 décembre 2010, d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société débitrice principale, la banque a déclaré sa créance puis a été autorisée par un juge de l'exécution à inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur des biens appartenant aux cautions, qu'elle a ensuite assignées en paiement ; que la société débitrice a fait l'objet d'un plan de redressement le 7 décembre 2011 ;

Attendu que pour rejeter la demande en paiement, l'arrêt retient que la banque ne justifie pas de l'exigibilité de sa créance, laquelle n'était pas acquise à la date du jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société débitrice principale et n'a pu résulter de ce jugement ou de celui arrêtant le plan, la preuve n'étant pas rapportée, par ailleurs, que la société débitrice ne s'acquitterait pas des échéances du prêt ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la banque était fondée, afin d'éviter la caducité de sa mesure conservatoire, à obtenir un jugement de condamnation des cautions avant l'exigibilité de sa créance à leur égard, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable la demande de la société Banque Chaix et rejette la demande d'annulation de M. X..., l'arrêt rendu le 3 avril 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Condamne MM. Z... et X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Marc Lévis, avocat aux Conseils, pour la société Banque Chaix

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR rejeté les demandes de la Banque Chaix en l'état de l'inexigibilité de sa créance à l'égard des cautions ;

AUX MOTIFS ADOPTES QUE 1. Monsieur Alain X... fait grief à la BANQUE CHAIX qu'au jour de l'assignation le plan de redressement de la société LE REFUGE n'avait pas été arrêté et que selon les dispositions de l'article L. 622-28 du code de commerce, un créancier ne peut agir que sur justification du jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation judiciaire ; que la BANQUE CHAIX ayant saisi le tribunal avant que le plan soit arrêté, son action serait irrecevable ; que l'article L. 622-28 du code de commerce dispose que : « Le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations à moins qu'il ne s'agisse des intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour ne durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d'un paiement différé d'un an ou plus. Les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent se prévaloir des dispositions du présent alinéa. Le jugement d'ouverture suspend jusqu'au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation toute action contre les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie. Le tribunal peut ensuite leur accorder des délais ou un différé de paiement dans la limite de deux ans. Les créanciers bénéficiaires de ces garanties peuvent prendre des mesures conservatoires » ; que la BANQUE CHAIX a été autorisée par le juge de l'exécution, en date du 11 juillet 2011, à prendre une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire sur les biens de Monsieur Alain X... ; que cette ordonnance précise que la BANQUE CHAIX devra assigner Monsieur Alain X... avant le 7 décembre 2011, date du jugement arrêtant le plan de continuation ; que l'arrêt 03-21. 043 du 24 mai 2005 de la Cour de cassation a confirmé ce principe : « Vu les articles L. 631-48 du code de commerce, 215 du décret du 31 juillet 1992 et 70-1 du décret du 27 décembre 1985 : attendu qu'en application du deuxième de ces textes, si ce n'est dans le cas où elle a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier qui a été autorisé à pratiquer une mesure conservatoire contre une caution personnelle personne physiques doit, dans le mois qui suit l'exécution de la mesure, à peine de caducité, introduire une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire, même si le débiteur principal a fait l'objet d'un jugement de redressement judiciaire : que, dans ce cas, l'instance ainsi engagée est suspendue jusqu'au jugement arrêtant le plan de redressement ou prononçant la liquidation judiciaire du débiteur principal » ; que force est de constater qu'après avoir obtenu une mesure conservatoire la banque a engagé son action contre les cautions dans les délais prévus par les textes ; que cette action a été suspendue puis reprise à la diligence du créancier après approbation du plan de redressement du 07 décembre 2011 et que ce calendrier est conforme au principe fixé par la Cour de cassation ; que s'appuyant sur cette constatation, le tribunal dira le moyen d'irrecevabilité fondé sur une action intentée avant le prononcé du plan de sauvegarde non fondé ; 2. que Monsieur Alain X... fait aussi grief à la BANQUE CHAIX que son action n'est justifiée que pour obtenir un titre exécutoire et ainsi inscrire une hypothèque sur ses biens ; que dans l'arrêt 03-21043 du 24 mai 2005, la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel qui déclarait irrecevable l'action en paiement : « Attendu que pour déclarer irrecevable l'action en paiement engagée par la banque à l'encontre de la caution l'arrêt retient qu'à la date de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, le 24 février 1999, la société était à jour du paiement des mensualités du prêt, que si le créancier bénéficiaire d'un cautionnement peut prendre des mesures conservatoires en application des dispositions de l'article L. 621-48, alinéa 3, du code de commerce, encore faut-il qu'il soit titulaire d'une créance à l'encontre du débiteur principal à la date du redressement judiciaire, que les dispositions de l'article L. 621-49 ne permettent pas de rendre exigibles les créances non échues à la date de l'ouverture du redressement judiciaire et que la banque ne pouvait pas opposer à M. X la déchéance du terme, le maintien du terme à l'égard du débiteur profitant à la caution, qu'en conséquence, les mises en demeure et mesures conservatoires sont sans effet à l'égard de la caution ; attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; que dans cet arrêt la Cour de cassation reproche aux juges du fond d'avoir déclaré l'action de la banque irrecevable sans avoir recherché « si la banque n'était pas en droit de reprendre les poursuites à l'encontre de la caution à la suite de la décision homologuant le plan de cession du débiteur principal » ; que selon jugement en date du 7 décembre 2011, le tribunal de commerce a arrêté un plan de redressement de la société LE REFUGE, la créance de la BANQUE CHAIX a été définitivement admise le 24 août 2011 et à ces titres la banque est en droit de reprendre l'action à l'encontre de la caution au visa de l'article L. 631-20 du code de commerce ;

ET AUX MOTIFS PROPRES QU'Alain X... oppose à la s. a. « Banque Chaix » la fin de non-recevoir tirée des dispositions de l'article L. 622-28 du code de commerce, auxquelles renvoient celles de l'article L. 631-14 selon lesquelles le jugement d'ouverture suspend toute action contre les coobligés du débiteur, jusqu'au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation ; que le jugement arrêtant le plan de redressement judiciaire de la s. a. r. l. « Le refuge des Pirates » a été prononcé le 7 décembre 2011, de sorte que la cause de la fin de non-recevoir invoquée avait disparu au jour où les premiers juges ont statué ; qu'il s'ensuit que le tribunal de commerce a écarté à bon droit le moyen d'irrecevabilité ; attendu que la s. a. « Banque Chaix » soutient encore que les dispositions de l'article L. 622-29 du code de commerce selon lesquelles « le jugement d'ouverture ne rend pas exigibles les créances non échues à la date de son prononcé », toute clause contraire étant réputée non écrite, devraient être combinées avec celles de l'article L. 622-28 du même code qui prévoient que « le jugement d'ouverture suspend jusqu'au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation toute action contre les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie ¿ », avec celles de l'article L. 631-20, selon lesquelles « par dérogation aux dispositions de l'article L. 626-11, les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie ne peuvent se prévaloir des dispositions du plan », de sorte que selon le moyen, l'adoption d'un plan de redressement aurait les mêmes effets, vis-à-vis de la caution, qu'une liquidation judiciaire, dès lors que « l'article L. 622-9 n'a aucune incidence quant au fait que les échéances postérieures continuent à courir et se trouvent en impayé » ; mais attendu que la clause de la convention stipulée sous l'article 7 étant réputée non écrite en application de l'article L. 622-29 du code de commerce, en ce qu'elle stipule l'exigibilité anticipée du remboursement des sommes dues au titre du prêt au cas de cessation de paiements, et le jugement arrêtant le plan de redressement n'étant pas assimilable à une liquidation judiciaire pour l'application de cette clause de déchéance du terme, il incombe à la s. a. « Banque Chaix » de justifier de l'exigibilité de sa créance, qui selon les termes mêmes de sa déclaration de créance n'était pas acquise au jour de l'ouverture de la procédure collective ; qu'attendu que si effectivement les échéances du prêt continuaient à courir pendant la période d'observation et même après le prononcé du jugement arrêtant le plan de redressement dès lors qu'il n'est pas justifié, ni soutenu, que le plan aurait fait l'objet de stipulations spécifiques, dont les cautions ne pourraient se prévaloir en application des dispositions de l'article L. 621-30 du code de commerce, il n'en demeure pas moins que l'engagement des cautions n'étant qu'accessoire, il incombe à la s. a. « Banque Chaix » de justifier que les sommes dues par la débitrice principale auraient été impayées auxdites échéances ; que la s. a. « Banque Chaix » prétend faire cette preuve de la déchéance du terme par l'effet de l'article 7 précité de la convention de prêt, qui stipule l'exigibilité anticipée des sommes dues au titre du prêt également « à défaut d'exécution ou en cas de violation d'une seule obligation résultant pour l'emprunteur de la présente convention et notamment à défaut de paiement à bonne date de toute somme due », dès lors qu'elle a mis régulièrement en demeure les cautions, l'assignation introductive d'instance valant elle-même mise en demeure, dès lors « qu'elle comportait une demande en paiement contre les cautions fondée sur le prêt déchu dans sa totalité du fait des échéances postérieures nécessairement impayées » ; que cependant, si les cautions sont elles-mêmes en droit de se prévaloir du terme et de se substituer à la débitrice principale dans le paiement des échéances en cas de défaillance de cette dernière, la s. a. « Banque Chaix » doit préalablement justifier que postérieurement à l'ouverture de la procédure la s. a. r. l. « Le refuge des Pirates » se serait abstenue de payer à bonne date les échéances du prêt, ce qu'elle s'est toujours abstenue de faire, de sorte qu'en raison du caractère accessoire de l'engagement des cautions, ces dernières n'étaient pas tenues de payer les sommes réclamées à défaut d'exigibilité de celles-ci ; qu'il s'ensuit que les mises en demeure infructueuses adressées aux cautions, afin d'obtenir paiement de l'intégralité des sommes prétendument dues en raison d'une déchéance du terme, qui ne lui était en réalité pas acquise à l'égard de la débitrice principale, ne pouvaient pas elles-mêmes emporter l'exigibilité anticipée du prêt en application de la clause invoquée ; qu'ainsi, la s. a. « Banque Chaix » ne pouvant justifier en l'état d'aucune créance à l'encontre de l'une ou l'autre des cautions, elle doit être déboutée de l'intégralité de ses prétentions par voie d'infirmation du jugement déféré, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les demandes subsidiaires de Thierry Z... et d'Alain X... ;

1/ ALORS QUE le créancier qui a été autorisé à prendre une mesure conservatoire sur les biens de la caution est tenu d'introduire, dans le mois qui suit l'exécution de cette mesure, à peine de caducité, une action au fond afin d'obtenir un titre exécutoire ; qu'en prononçant à l'encontre de la Banque Chaix une décision de débouté pure et simple au motif inopérant qu'elle ne justifiait pas de l'exigibilité de sa créance, exposant ainsi la banque à perdre le bénéfice de l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire prises sur les immeubles des cautions et à voir toute action ultérieure repoussée comme se heurtant à la chose jugée, la cour d'appel a violé l'article 108 du code de procédure civile, ensemble les articles L 622-28 du code de commerce et 215 du décret du 31 juillet 1992 devenu l'article R 511-7 du code des procédures civiles d'exécution ;

2/ ALORS QUE pour rejeter les demandes de la Banque Chaix en l'état de l'inexigibilité de sa créance à l'égard des cautions, la cour d'appel a retenu qu'il incombait à la banque de justifier de l'exigibilité de sa créance, qui, selon les termes même de sa déclaration de créance, n'était pas acquise au jour de l'ouverture de la procédure collective et que la banque ne justifiait pas que le débiteur principal se serait abstenu de payer à bonne date les échéances du prêt, après avoir cependant constaté que la banque Chaix avait été autorisée par le juge de l'exécution à prendre une inscription d'hypothèque provisoire sur les biens des cautions, que la banque avait engagé son action contre les cautions dans le délai prévu à l'article 215 du décret du 31 juillet 1992, devenu l'article R 511-7 du code des procédures civiles d'exécution, que cette action avait été suspendue puis reprise à la diligence du créancier après adoption du plan de redressement, ce dont il se déduisait que la cour d'appel ne pouvait rejeter la demande pour inexigibilité de la créance et devait accorder au créancier un titre exécutoire dont seule l'exécution était subordonnée à l'exigibilité de la créance ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l'article 108 du code de procédure civile, ensemble les articles L 622-28 du code de commerce et 215 du décret du 31 juillet 1992 devenu l'article R 511-7 du code des procédures civiles d'exécution ;



site réalisé avec
Baumann Avocats Contrats informatiques

Cette décision est visée dans la définition :
Mesure conservatoire


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.