par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 8 octobre 2014, 13-13995
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Cour de cassation, chambre sociale
8 octobre 2014, 13-13.995

Cette décision est visée dans la définition :
Reclassement




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1233-3, L. 1233-65 et L. 1233-67 du code du travail dans leur version applicable au litige ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 3 mai 1999 par la société Les Complices en qualité de directeur qualité ; que le 23 décembre 2008, dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, l'employeur lui a adressé une convention de reclassement personnalisé qu'il a acceptée, le 5 janvier 2009 ; que le 27 janvier 2009, Pôle emploi a informé l'intéressé de son inéligibilité à la convention de reclassement personnalisé étant en arrêt maladie depuis plus de 15 jours ; que le 11 février 2009, le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour contester la rupture de son contrat de travail ;

Attendu que pour dire que la rupture du contrat de travail du salarié par la société produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient qu'en raison de l'inéligibilité du salarié à la convention de reclassement personnalisé, le consentement de celui-ci à ce dispositif a été vicié, que cette adhésion est en conséquence nulle, tout comme est nulle la rupture du contrat de travail établie sur cette fausse base ;

Attendu cependant que l'adhésion à une convention de reclassement personnalisé constitue une modalité du licenciement pour motif économique ; qu'il en résulte que l'adhésion à la convention de reclassement personnalisé d'un salarié inéligible à ce dispositif ne rend pas en elle-même la rupture du contrat de travail sans cause réelle et sérieuse ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 janvier 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Les Complices.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR jugé que la rupture du contrat de travail de M. Michel X... par la SA LES COMPLICES produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR, en conséquence, condamné la société LES COMPLICES à verser à Monsieur X... 55.000 euros à titre de dommages et intérêts et 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QU' « il est constant, et non contesté par la SA LES COMPLICES, que M. Michel X... qui, sur proposition de celle-ci, a adhéré le 5 janvier 2009, dans les termes ci-dessus énoncés, à la CRP que son employeur lui proposait le 23 décembre 2008 ; qu'il est également constant que la SA LES COMPLICES a alors pris acte de son adhésion et lui a adressé le 12 janvier 2009 une lettre de rupture de son contrat de travail avec la mention suivante : "c'est dans ce contexte que s'inscrit votre licenciement, la suppression de votre poste de directeur qualité résultant de la forte baisse du volume d'activité qui affecte tous les secteurs, en ce compris l'activité production à laquelle vous êtes rattaché" ; mais considérant que le 27 janvier 2009 Pôle Emploi a informé M. Michel X... de son inéligibilité à la CRP en raison de son état de santé, l'intéressé étant en arrêt maladie depuis plus de 15 jours ; qu'il s'ensuit que le consentement de M. Michel X... à l'adhésion a été vicié, que cette adhésion est en conséquence nulle, tout comme est nulle la rupture du contrat de travail établie sur cette fausse base ; considérant, en conséquence, que sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens développés par M. Michel X..., lesquels sont superfétatoires, il y a lieu de juger que la rupture du contrat de travail de M. Michel X... par la SA LES COMPLICES produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse » ;

1. ALORS QUE le salarié qui adhère à la convention de reclassement personnalisé n'accepte pas la rupture de son contrat de travail, mais un dispositif destiné à favoriser son reclassement après le licenciement ; que la rupture du contrat qui résulte de cette adhésion ne constitue pas une résiliation amiable du contrat, mais une modalité de licenciement ; qu'en conséquence, le vice qui affecte le consentement du salarié lorsqu'il accepte la convention de reclassement personnalisé n'est pas de nature à remettre en cause la validité de la rupture de son contrat ; qu'en retenant, en l'espèce, que la rupture du contrat de travail de Monsieur X... était nulle, dès lors que le consentement du salarié à la convention de reclassement personnalisé était vicié, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-3, L. 1233-65 et L. 1233-67 du Code du travail dans leur version applicable au litige;

2. ALORS, EN OUTRE, QUE le juge ne peut se borner à affirmer que le consentement d'une partie à un acte est vicié, sans préciser de quel vice il est entaché, ni caractériser ce vice ; que la seule circonstance que l'adhésion d'un salarié au dispositif de la convention de reclassement personnalisé soit refusée par Pôle Emploi, qui le considère inéligible au dispositif en raison d'un arrêt maladie de plus de 15 jours, n'est pas de nature à caractériser un vice du consentement du salarié à cette convention ; qu'en l'espèce, pour dire que le consentement du salarié était vicié, la cour d'appel s'est bornée à relever que Pôle Emploi avait informé Monsieur X... de son inéligibilité au dispositif de la convention de reclassement personnalisé en raison de son état de santé, sans apprécier elle-même le bien-fondé de cette appréciation de Pôle Emploi ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel qui n'a ni précisé quel vice du consentement elle avait retenu, ni même caractérisé un quelconque vice du consentement, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1109 du Code civil ;

3. ALORS, AU SURPLUS, QU'aux termes de l'article L. 1233-65 du Code du travail dans sa version applicable au litige, l'employeur doit proposer une convention de reclassement personnalisé à chaque salarié dont il envisage de prononcer un licenciement pour motif économique , sans pouvoir apprécier l'éligibilité du salarié à ce dispositif ; qu'en outre, la Convention du 18 janvier 2006 relative à la convention de reclassement personnalisé prévoit que l'information du salarié sur la convention de reclassement personnalisé est assurée par la remise, lors de la proposition de ce dispositif, d'un document d'information établi par Pôle Emploi ; qu'en conséquence, l'employeur qui propose une convention de reclassement personnalisé à un salarié dont il envisage le licenciement pour motif économique et lui remet le document d'information établi par Pôle Emploi ne commet aucune faute, même si Pôle emploi estime par la suite que le salarié n'est pas éligible au dispositif de la convention de reclassement personnalisé et refuse son adhésion à ce dispositif ; que, dans ce cas, à supposer qu'un vice entache l'adhésion du salarié à la convention de reclassement personnalisé, ce vice ne serait pas imputable à une faute de l'employeur et ne pourrait en conséquence justifier de sanctionner ce dernier ; qu'en l'espèce, il est constant que la société LES COMPLICES, qui envisageait de prononcer le licenciement pour motif économique de Monsieur X..., lui a proposé une convention de reclassement personnalisé et lui a remis le document d'information sur ce dispositif ; qu'en retenant que la rupture du contrat de travail de Monsieur X... devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, du seul fait que Pôle Emploi avait estimé Monsieur X... inéligible à la convention de reclassement personnalisé en raison d'un arrêt maladie de plus de 15 jours, sans caractériser aucune faute de l'employeur justifiant une telle sanction, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-65 du Code du travail dans sa version applicable au litige et l'article 4 de la Convention du 18 janvier 2008 relative à la convention de reclassement personnalisé, agréée par arrêté du 23 février 2006 ;

4. QU'IL EN VA D'AUTANT PLUS AINSI QUE l'employeur ne peut exclure un salarié d'un dispositif de reclassement en raison de son état de santé, ni se faire juge de son aptitude physique à occuper un emploi ; qu'en l'espèce, la société LES COMPLICES aurait pris une mesure discriminatoire en raison de l'état de santé du salarié si elle avait choisi de ne pas lui proposer une convention de reclassement personnalisé, en considération de son état de santé et de sa possible inéligibilité au dispositif de la convention de reclassement personnalisé ; qu'en décidant néanmoins de sanctionner la société LES COMPLICES, du seul fait qu'elle a proposé une convention de reclassement personnalisé à Monsieur X... sans préjuger de son éligibilité à ce dispositif au regard de son état de santé, la cour d'appel a violé l'article L. 1132-1 du Code du travail ;


5. ALORS, ENFIN ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE lorsqu'elle est entachée d'un vice du consentement, l'adhésion du salarié au dispositif de la convention de reclassement personnalisé est nulle et de nul effet, de sorte qu'elle n'emporte pas rupture du contrat de travail ; que le contrat est alors rompu par la lettre de l'employeur notifiant au salarié les motifs de la rupture et manifestant sa volonté de rompre le contrat, indépendamment de l'adhésion du salarié au dispositif de la convention de reclassement personnalisé ; que le juge doit en conséquence se prononcer sur les motifs de la rupture qui sont énoncés dans cette lettre, sans pouvoir s'arrêter à la constatation de ce que l'adhésion du salarié à la convention de reclassement est entachée de nullité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société LES COMPLICES avait adressé à Monsieur X... une lettre lui notifiant les motifs de la rupture de son contrat ; qu'en l'état du vice entachant l'adhésion du salarié à la convention de reclassement personnalisé, cette lettre, qui manifestait la volonté de l'employeur de rompre le contrat pour motif économique, valait lettre de licenciement et emportait rupture du contrat ; que la cour d'appel devait en conséquence se prononcer uniquement sur le bien-fondé de ce licenciement ; qu'en considérant néanmoins que le vice entachant l'adhésion du salarié à la convention de reclassement personnalisé rendait nulle la rupture de son contrat et que cette rupture produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-67, L. 1233-3 et L. 1235-1 du Code du travail.



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Cette décision est visée dans la définition :
Reclassement


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.