par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 3, 19 février 2014, 12-19270
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Cour de cassation, 3ème chambre civile
19 février 2014, 12-19.270

Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Emphytéose
Propriété commerciale




LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société SBDF du désistement de son pourvoi ;

Sur le moyen soulevé d'office après avis donné aux parties :

Vu les articles L. 451-1 et L. 451-3 du code rural et de la pêche maritime ensemble L. 145-3 et L. 145-33 du code de commerce ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 janvier 2012), que Mme X...est propriétaire d'un terrain qui, en 1981, a été donné à M. Y...à bail emphytéotique de vingt-six ans, à usage de création et exploitation d'un camping-caravaning, village de chalets de vacances, terrains de sports et de jeux, piscine et attractions diverses ; que par acte du 11 août 1982, une partie du terrain a été exclue de ce bail cédé pour le surplus et pour une durée plus importante, à M. Z... aux droits duquel se trouve Mme A..., à charge pour le locataire autorisé à créer et exploiter tous commerces de son choix, de faire à ses frais les routes, aménagements et constructions nécessaires ; qu'en 2004, Mme X...se prévalant d'une augmentation de la valeur locative de plus de dix pour cent, a sollicité la révision et la fixation judiciaire du loyer ;

Attendu que pour fixer à une certaine somme le montant du loyer à compter du 15 juin 2004 avec intérêts au taux légal à compter du 28 mars 2006, l'arrêt retient qu'il existe une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant une incidence sur l'activité exercée et que l'examen des loyers de terrain de camping dans la région constituant la référence la plus adéquate car elle concerne une activité d'hébergement de loisirs proche de celle exploitée, aboutit après actualisation au 1er trimestre 2004, à un montant de loyer au mètre carré à pondérer en raison de la spécificité du terrain donné en location soit à un loyer annuel de 96 576 euros pour les 68 011 mètres carrés loués et exploitables pour l'année 2004 alors que par application du seul jeu de l'indice du coût de la construction le loyer dû par le preneur était de 4 999, 54 euros ce qui démontre une évolution de plus de 10 % de la valeur locative ;

Qu'en statuant ainsi alors que les dispositions des articles L. 145-3 et L. 145-33 du code de commerce ne s'appliquent pas au loyer du bail emphytéotique prévu à l'article L. 451-3 du code rural et de la pêche maritime au terme duquel le preneur, titulaire d'un droit réel pendant sa durée, ne bénéficie d'aucun droit au renouvellement ni à indemnité d'éviction ; la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Vu l'article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 janvier 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Rejette la demande de Mme X...de sa demande de révision triennale de loyer commercial pour fixation au montant annuel de 90 000 euros ;

Condamne Mme X...aux dépens de l'instance au fond et de l'instance en cassation ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, déboute Mme X...de sa demande, la condamne à verser à Mme A..., veuve Z... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf février deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme A..., veuve Z....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé à 90. 000 euros le montant du loyer à compter du 15 juin 2004 avec intérêts au taux légal à compter du 28 mars 2006 ;

Aux motifs que Mme A...exploite dans les lieux loués un village de vacances par lequel elle donne en location soit à l'année soit de manière saisonnière, des emplacements où sont installés des bungalows dont les occupants sont soit des personnes d'origine locale soit de régions plus lointaines ; certains de ces occupants sous louent de manière saisonnière le bungalow implanté sur le terrain loué ; que l'activité correspond à l'hébergement de loisir, sa clientèle est tant locale que nationale et internationale ; que la période à prendre en considération pour examiner l'évolution des facteurs locaux de commercialité est celle du 1er juillet 1982, date d'effet de la cession partielle du bail avec fixation d'un nouveau loyer au 15 juin 2004, date de la demande de révision ; que son attrait commercial correspond à la presqu'île de Saint-Tropez au centre duquel elle se trouve ; que l'expert a noté durant cette période, l'amélioration des transports avec notamment depuis 2001, date de la mise en vigueur du TGV en grande vitesse entre Paris et Marseille une diminution notable du temps de trajet ; qu'il relève le développement de l'aérodrome de Saint-Tropez La Môle situé à 13 km et l'agrandissement en deux fois deux voies de la route D 25 reliant l'échangeur autoroutier du Muy à Sainte-Maxime ; qu'il a aussi constaté l'augmentation de la population sur la zone de commercialité de 1 % à 2, 6 % par an selon les communes et de 38 % pour Gassin entre 1982 et 2005, le développement des services avec un nouvel hôpital, de nouveaux établissements scolaires, une extension d'un hypermarché ; qu'il a relevé également le développement de l'offre des loisirs sur le territoire de la presqu'île de Saint-Tropez, avec les tournois de polos, un terrain de golf, la course de côte de Gassin, des courses mondiales de VTT, un grand rassemblement Porche, la Giraglia Rolex Cup qui accueille plus de 200 monocoques, un rassemblement de motos Harley Davidson, des salons d'antiquaires, de décoration extérieure, de jardinage de rendez-vous gastronomiques, etc.. ; qu'il a indiqué l'accroissement de la réputation de Saint-Tropez et de sa presqu'île au niveau international et le dépôt du nom « Saint-Tropez » comme marque auprès de l'Institut National de la Propriété Industrielle ; que cela établit une modification favorable des facteurs locaux de commercialité pour une activité liée à l'exploitation d'un parc de loisirs ; que pour contester cet accroissement, Mme A...indique d'une part qu'elle ne concerne pas sa clientèle et que depuis le début de la location le nombre de bungalows (un peu plus d'une centaine) n'a pas changé et ne peut croître, étant limité par la surface aménageable du terrain loué ; mais que si certains loisirs apparaissent concerner une clientèle à haut niveau financier qui n'est pas celle du fonds exploité, ils créent une animation et un attrait qui déborde des seuls participants à ces loisirs et retentit sur la commercialité de zone concernée ; que d'autre part comme l'a exactement indiqué le premier juge, la modification des facteurs locaux de commercialité dans le golfe de Saint-Tropez est de nature à générer pour le preneur une augmentation de la clientèle et des ressources provenant même pour un nombre d'emplacement donné, dans la mesure où cette modification agit à la fois sur le taux d'occupation des emplacements et sur le montant des redevances perçues par le locataire ; qu'ainsi il existe une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant une incidence sur l'activité exercée ; que pour déterminer la valeur locative, l'expert s'est fondé sur les loyers des terrains de camping qui apparait constituer la référence la plus adéquate car elle concerne une activité d'hébergement de loisirs proche de celle exploitée par Mme A...et ne prend pas en compte les modifications des caractéristiques du bien loué depuis le début de la location ; qu'il a examiné le loyer de 14 terrains de camping, a éliminé ceux dont le prix était soit le plus haut soit le plus bas ou ressortait d'accord de convenance pour ne retenir que les 7 qui apparaissaient les plus pertinents et aboutissaient, après leur actualisation au 1er trimestre 2004, à la somme de 1, 48 euros le mètre carré ; qu'il a ensuite pondéré ce chiffre en raison de la spécificité du terrain donné en location pour aboutir à un loyer de 1, 42 euros le mètre carré soit pour les 68. 011 mètres carrés loués et exploitables un loyer annuel de 96. 576 euros pour l'année 2004 ; que ce prix a été retenu sans prendre en compte l'évolution des caractéristiques du local et celles éventuelles des lieux ainsi que des obligations respectives des parties qui n'ont pas changé ; qu'il montre une évolution de plus de 10 % de la valeur locative puisque par application du seul jeu de l'indice du coût de la construction le loyer dû par Mme A...était de 4. 999, 54 euros ; que cette évolution est due à une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité, aucune observation sur celle des prix couramment pratiqués dans le voisinage n'étant formée ; que Mme A...se plaint également que l'expert a écarté la méthode du chiffre d'affaires pour déterminer le loyer, mais comme l'a indiqué justement le premier juge, le chiffre d'affaires réalisé ne constitue pas un critère retenu par l'article L 145-33 du Code de commerce pour fixer la valeur locative, étant rappelé que le bailleur n'est pas l'associé du preneur ;

1°- Alors que le loyer révisé ne peut échapper au plafonnement et être fixé à la valeur locative que si la preuve est rapportée d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité présentant un intérêt pour l'activité exercée dans les lieux loués ; qu'en se bornant à relever un développement des services avec un nouvel hôpital, de nouveaux établissements scolaires, l'extension d'un hypermarché préexistant, sans préciser en quoi ces services présenteraient un intérêt pour l'activité de village de vacances exercée dans les lieux loués, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 145-38 du Code de commerce ;

2°- Alors que le loyer révisé ne peut échapper au plafonnement et être fixé à la valeur locative que si la preuve est rapportée d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité présentant un intérêt pour l'activité exercée dans les lieux loués ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans préciser en quoi l'augmentation de la population de Gassin, qui par définition dispose d'ores et déjà d'un logement à Gassin, présenterait un intérêt pour l'activité de village de vacances exercée dans les lieux loués, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 145-38 du Code de commerce ;

3°- Alors que le loyer révisé ne peut échapper au plafonnement et être fixé à la valeur locative que si la preuve est rapportée d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité présentant un intérêt pour l'activité exercée dans les lieux loués ; qu'en se fondant sur un développement de l'offre des loisirs sur le territoire de la presqu'île de Saint-Tropez, tout en admettant que les loisirs en cause concernent une clientèle à haut niveau financier qui n'est pas celle du fonds exploité, ce dont il résulte que ce développement ne pouvait présenter un intérêt pour l'activité exercée dans les lieux loués, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constations au regard de l'article L 145-38 du Code de commerce qu'elle a violé ;

4°- Alors que le loyer révisé ne peut échapper au plafonnement que si la preuve est rapportée d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité lesquels dépendent principalement de la ville, du quartier, ou de la rue où le bien est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait au regard de la modification des facteurs de commercialité sur le territoire de la presqu'île de Saint-Tropez, voire sur le sud de la France s'agissant de la création de la ligne TGV Paris-Marseille, circonstances qui ne constituent pas pour un village de vacance situé sur la commune de Gassin en dehors des sentiers battus, des facteurs locaux de commercialité, la Cour d'appel a violé les articles L 145-38 et R 145-6 du Code de commerce ;

5°- Alors que le loyer révisé ne peut échapper au plafonnement que si la preuve d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même, une variation de plus de 10 % de la valeur locative est rapportée ; qu'il appartient dès lors au juge de rechercher la valeur locative du bien au début de la période concernée pour la comparer à sa valeur locative à la date de la demande de révision ; qu'en prenant comme termes de comparaison le loyer qui serait dû par Mme A...après application de l'indice du coût de la construction et le loyer tel qu'il résulterait de la valeur locative actuelle du bien, la Cour d'appel a violé l'article L 145-38 du Code commerce ;

6°- Alors que le bail emphytéotique a pour particularité la modicité de son loyer compensée par l'avantage qui résulte pour le bailleur du droit de conserver en fin de bail, les constructions réalisées par le preneur sur le terrain loué ; qu'il appartient au juge qui fixe le loyer révisé d'un bail emphytéotique de tenir compte de cette particularité ; qu'en fixant comme elle l'a fait, la valeur locative du bien litigieux par comparaison avec les prix pratiqués pour des commerces de camping, sans tenir compte de cette particularité, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles l 451-1 du Code rural, L 145-3 et L 145-33 du Code de commerce.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.