par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 31 janvier 2013, 11-25242
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
31 janvier 2013, 11-25.242

Cette décision est visée dans la définition :
Juge / Conseiller de la mise en état




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Vu les articles 73 et 776 du code de procédure civile ;

Attendu que les ordonnances du juge de la mise en état ne sont pas susceptibles de contredit ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'imputant à la société La Redoute (La Redoute) des actes de contrefaçon, de rupture fautive de relations commerciales et d'abus de dépendance économique, M. X... et la société Fair Wind Industry, domiciliés à Hong-Kong, l'ont assignée devant un tribunal de grande instance en réparation de leurs préjudices ; que La Redoute a soulevé devant le juge de la mise en état l'incompétence de la juridiction saisie ;

Attendu que pour déclarer irrecevable l'appel formé par La Redoute à l'encontre de l'ordonnance ayant rejeté cette exception, la cour d'appel retient que cette décision ne pouvait être attaquée que par la voie du contredit ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 juin 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. X... et la société Fair Wind Industry Limited aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société la Redoute.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable l'appel interjeté par la société LA REDOUTE à l'encontre de l'ordonnance du juge de la mise en état du 23 septembre 2009 et d' avoir condamné la société LA REDOUTE aux dépens d'appel

AUX MOTIFS QUE «M. X..., titulaire de deux modèles communautaires portant sur un sac et une parka, et la société Fair Wind Industry, sise à Hong Kong, qui avait été en relations commerciales avec la société La Redoute au sujet de la distribution en France de ces deux modèles, estimant que cette société, avait commis à leur encontre des actes caractérisant la contrefaçon de leurs droits sur ces modèles, un abus de dépendance économique et une brusque rupture de relations commerciales établies, l'ont assignée en réparation de leur préjudice devant le tribunal de grande instance de Paris; que le juge de la mise en état, par la décision déférée, a déclaré le tribunal de grande instance de Paris compétent pour connaître de l'ensemble du litige; qu'il s'est ainsi prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond ;

Que la société La Redoute a saisi le juge de la mise en état d'une exception d'incompétence tirée de l'absence, selon elle, de connexité entre, d'une part, les actes de contrefaçon allégués à son encontre et, d'autre part, les faits qui lui sont reprochés sur le fondement des articles L. 420-2 et L.442-6 du code de commerce, ces derniers relevant de la compétence des juridictions de Hong Kong, lieu de réalisation du dommage;

Considérant que les parties ont été invitées par la cour à présenter leurs observations sur la voie de recours utile au regard de l'articulation des dispositions des articles 80 et 776 du code de procédure civile; que la société La Redoute conclut à la recevabilité de l'appel tandis que M. X... et la société Fair wind s'en rapportent à justice sur ce point;

Considérant, aux termes de l'article 80 du code de procédure civile, que «lorsque le juge se prononce sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision ne peut être attaquée que par la voie du contredit» ; que ces dispositions, communes à toutes les juridictions puisqu'elles figurent au livre premier de ce code, ne comportent aucune distinction fondée sur la nature de la juridiction qui prononce la décision; Considérant que l'article 776 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005 applicable en la cause, pose en principe, dans son alinéa 2, que les ordonnances du juge de la mise en état ne peuvent être frappées d'appel qu'avec le jugement statuant sur le fond mais prévoit qu'elles sont toutefois susceptibles d'appel dans certains cas, notamment lorsqu'elles statuent sur une exception de procédure (alinéa 4,2°) ; que l'appel ainsi ouvert par exception au principe suppose l'absence d'un autre recours spécifique;

Considérant que l'article 776 du code de procédure civile ne déroge pas à l'article 80 du même code; que, tout au contraire, c'est ce dernier, qui, en instituant une procédure spéciale pour attaquer les décisions qui tranchent une question de compétence sans aborder le fond, caractérisée par la recherche de la rapidité et de l'efficacité, déroge aux règles applicables à l'appel, voie de recours ordinaire instaurée par les articles 542 et suivants du code de procédure civile;

Que, si l'article 776 comporte une disposition spéciale qui déroge à une règle générale, et qui est donc d'interprétation stricte, c'est celle qui ouvre immédiatement l'appel contre les ordonnances du juge de la mise en état alors que le même article pose le principe inverse en vertu duquel ces ordonnances ne peuvent être frappées d'appel qu'avec le jugement statuant sur le fond;

Considérant en effet que ce texte, à la différence de la version du même article issue du décret n° 98-1231 du 28 décembre 1998, ne contient pas de disposition excluant le contredit mais ne reprend pas non plus celle, contenue dans sa rédaction issue du décret n° 2004-836 du 20 août 2004, qui prévoyait au contraire expressément que « les ordonnances du juge de la mise en état ... peuvent être frappées de contredit lorsqu'elles statuent sur la compétence ... », que cet allégement rédactionnel ne peut s'expliquer que parce que le législateur, qui avait déjà renoncé en 2004 à l'exclusion du contredit prévue en 1998, a estimé surabondant de répéter spécialement dans l'article 776 les dispositions d'application générale de l'article 80 du même code rappelées ci-dessus auxquelles il ne déroge pas;
Considérant, par ailleurs, que les décisions rendues par le juge de la mise en état en vertu de la compétence exclusive qui lui est reconnue, postérieurement à sa désignation et jusqu'à son dessaisissement par l'ordonnance de clôture, par l'article 771 du code de procédure civile, ne sauraient être soumises à un régime de recours distinct de celui applicable aux décisions prononcées par la formation de jugement dont il est l'émanation; qu'en outre la nature du recours ouvert contre la décision du juge se prononçant sur la compétence sans statuer sur le fond du litige ne saurait dépendre de l'option ouverte au président, par application de l'article 762 du code de procédure civile, de renvoyer l'affaire à l'audience ou à la mise en état;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ordonnance déférée, par laquelle le juge de la mise en état s'est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, ne pouvait, par application de l'article 80 du code de procédure civile, être attaquée que par la voie du contredit; qu'il suit de là que l'appel doit être déclaré irrecevable»


ALORS QUE les ordonnances du juge de la mise en état ne sont pas susceptibles de contredit, mais peuvent être frappées d'appel lorsqu'elles statuent sur une exception de procédure ; que tel est le cas de l'ordonnance de la mise en état qui statue sur une exception d'incompétence ; qu'en jugeant irrecevable l'appel qui avait été interjeté par la société LA REDOUTE à l'encontre de l'ordonnance du juge de la mise en état du 23 septembre 2009 ayant statué sur l'exception d'incompétence du tribunal de grande instance de Paris qu'elle avait soulevée, la Cour d'appel a violé l'article 776 du Code de procédure civile par refus d'application.



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Cette décision est visée dans la définition :
Juge / Conseiller de la mise en état


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.