par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 23 janvier 2013, 11-20356
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Cour de cassation, chambre sociale
23 janvier 2013, 11-20.356

Cette décision est visée dans la définition :
Licenciement




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 mai 2011), qu'engagée le 3 février 2003 en qualité de pharmacienne par l'Eurl Pauline X..., Mme Y... a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 3 juillet 2006 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à dire que sa prise d'acte produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et à obtenir la condamnation de son employeur au paiement de diverses sommes à titre salarial et indemnitaire ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'accueillir ces demandes, alors, selon le moyen, que lorsque le salarié démissionne en raison de faits ou manquements qu'il reproche à son employeur, cette rupture constitue une prise d'acte et produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit dans le cas contraire, d'une démission ; que seuls des manquements graves de l'employeur à ses obligations contractuelles de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail justifient la prise d'acte de rupture du contrat de travail par le salarié aux torts de l'employeur et permettent d'analyser cette prise d'acte en un licenciement ; que Mme Y... reprochait à l'appui de sa prise d'acte le comportement de Mme X..., qui aurait selon elle, le 28 juin vers 21 heures, lors d'une partie de bridge organisée dans un club de bridge "Le Tricolore", proféré des propos prétendument désobligeants et vexatoires à l'endroit de la salariée en s'interrogeant sur la réalité de l'arrêt de travail dont elle venait de bénéficier ; que ces faits, qui étaient sans relation avec les obligations contractuelles de l'employeur comme s'étant produits en dehors du lieu et du temps de travail, ne pouvaient constituer une faute ou un manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles justifiant le prononcé d'une prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur ; qu'en se fondant sur ces seuls faits pour déclarer que la prise d'acte de la rupture de la salariée s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel, qui n'a caractérisé aucune violation des obligations contractuelles de l'employeur, a violé les articles L. 1231-1, L. 1237-1, L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel a constaté que dans la soirée du 28 juin 2006, alors que la salariée, qui était en arrêt de travail depuis le même jour, s'était rendue à son club de bridge, l'employeur avait fait irruption brutalement dans la pièce où se trouvait Mme Y..., remettant en cause avec véhémence l'état de santé de celle-ci et exigeant qu'elle lui remette son arrêt de travail, et qu'agressée publiquement, l'intéressée, choquée, s'était trouvée dans un état de sidération nécessitant le secours des personnes présentes ; qu'elle a ainsi caractérisé un manquement suffisamment grave de l'employeur à ses obligations justifiant la prise d'acte, peu important que les faits, qui étaient relatifs à un différend d'ordre professionnel, se soient déroulés en dehors du temps et du lieu de travail ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'Eurl Pauline X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'Eurl Pauline X... ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois janvier deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat aux Conseils, pour l'Eurl Pauline X....

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Pauline X... à payer à Madame Monique Y... les sommes de 6 30,34 € au titre de l'indemnité de préavis, et les congés payés s'y rapportant, 1 995,37 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société Pauline X... de la convocation devant le Conseil de prud'hommes et capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du Code civil, 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture imputable à l'employeur, avec intérêts au taux légal à compter de la notification de la présente décision, et 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QU'« il est constant que courant février 2006 Madame Y... a demandé à Madame X... l'octroi d'une prime d'ancienneté ; que Madame X... soutient avoir fait droit à cette demande en augmentant le salaire de Madame Y... à compter du 1er mars avec rappel pour le mois de février 2006, sans mentionner le libellé de cette prime de 32,12 € sur le bulletin de salaire ; que cependant en application de l'article 15 de la convention collective de la Parfumerie Esthétique, cette prime doit apparaître distinctement sur le bulletin de salaire ; qu'à défaut d'une telle mention, il n'est pas établi qu'une telle prime ait été réglée à la salariée ; qu'au regard des calculs, non utilement contestés, cette prime mensuelle s'élève à 41,66 € ; qu'il est dû à Madame Y... une somme de 333,33 € ; que Madame Y... a été en arrêt de travail du 27 avril au 10 juin 2006 ; qu'il ressort des attestations produites par Madame Y... que pendant son absence, son casier a été, sur instruction de la gérante, Madame X..., débarrassé de ses affaires qui ont été emballées dans des sacs en plastique dans la réserve ; que son casier a été attribué à une esthéticienne nouvellement embauchée le 22 mai 2006 ; qu'il n'est pas établi qu'un nouveau casier a été mis à la disposition de Madame Y... avant le 28 juin 2006 ; que la salariée embauchée en contrat à durée indéterminée le 22 mai 2006, atteste avoir été engagée pour remplacer Madame Y... et précise que Madame X... lui a indiqué que Madame Y..., en dépression nerveuse, ne reviendrait pas travailler ; que la société Pauline X... ne fournit aucune explication sur l'embauche d'une salariée en contrat à durée indéterminée pendant l'absence de Madame Y... ; que c'est dans ces circonstances que Madame Y... adressait le 26 juin 2006 à Madame X... une lettre recommandée avec accusé de réception, dénonçant la dégradation de ses conditions de travail et son remplacement par une nouvelle salariée ; que le 28 juin 2006, Madame Y... se rendait chez son médecin qui lui prescrivait des anxiolytiques ainsi qu'un arrêt de travail jusqu'au 28 juillet 2006 avec possibilités de sortie ; qu'il ressort des attestations produites par Madame Y... que ce même jour dans la soirée, alors que celle-ci s'était rendue à son club de bridge pour compléter une table, à la demande du professeur de bridge qui en atteste, Madame X... a fait irruption dans la pièce où se trouvait Madame Y..., remettant en cause l'état de santé de Madame Y... et exigeant de voir l'arrêt de travail, déclenchant par une réaction excessive et véhémente un scandale devant les adhérents présents ; que ces adhérents, extérieurs à la relation contractuelle des parties en litige, témoignent très précisément de la scène ; qu'ils font tous état du comportement agressif et perturbateur de Madame X... ; qu'agressée publiquement, Madame Y... choquée, était blanche et « tremblait » dans un « état de sidération » nécessitant le secours des personnes présentes ; que Madame X... a fait une « intrusion brutale dans la salle de bridge » comme « une furie », « hystérique », le doigt dressé en avant et criant ; que ces attestations, très circonstanciées, émanant de témoins directs et extérieurs à l'entreprise, ne sont pas utilement démenties par les deux attestations produites par la société Pauline X... sur cet incident ; qu'en effet Madame Z... n'a pas été le témoin direct de la scène ; que la teneur de l'attestation de Monsieur A... confirme l'existence de l'intervention de Madame X... réclamant un entretien avec Madame Y... et l'interrogeant « à la vue d'un arrêt de travail » ; que cette attestation lapidaire ne suffit pas à contredire les multiples attestations très circonstanciées produites par Madame Y... ; que ce comportement en public, totalement déplacé et vexatoire, de la part de la gérante, justifiait la prise d'acte de rupture aux torts de l'employeur ; que cette rupture ouvre droit à réparation ; qu'en application de l'article L. 1235-5 du Code du travail qu'à la date du licenciement Madame Y... percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 2 103 €, était âgée de 54 ans et bénéficiait d'une ancienneté de 3 ans au sein de l'entreprise ; qu'il n'est pas contesté qu'elle n'a pu retrouver d'emploi et a dû solliciter le bénéfice d'allocations de chômage ; qu'il convient d'évaluer à la somme de 15 000 € le montant des dommages et intérêts alloués au titre de la rupture imputable à la société Pauline X... » ;

ALORS D'UNE PART QUE lorsque le salarié démissionne en raison de faits ou manquements qu'il reproche à son employeur, cette rupture constitue une prise d'acte et produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit dans le cas contraire, d'une démission ; que seuls des manquements graves de l'employeur à ses obligations contractuelles de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail justifient la prise d'acte de rupture du contrat de travail par le salarié aux torts de l'employeur et permettent d'analyser cette prise d'acte en un licenciement ; que Madame Y... reprochait à l'appui de sa prise d'acte le comportement de Madame X..., qui aurait selon elle, le 28 juin vers 21 heures, lors d'une partie de bridge organisée dans un club de bridge « Le Tricolore », proféré des propos prétendument désobligeants et vexatoires à l'endroit de la salariée en s'interrogeant sur la réalité de l'arrêt de travail dont elle venait de bénéficier ; que ces faits, qui étaient sans relation avec les obligations contractuelles de l'employeur comme s'étant produits en dehors du lieu et du temps de travail, ne pouvaient constituer une faute ou un manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles justifiant le prononcé d'une prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur ; qu'en se fondant sur ces seuls faits pour déclarer que la prise d'acte de la rupture de la salariée s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel, qui n'a caractérisé aucune violation des obligations contractuelles de l'employeur, a violé les articles L. 1231-1, L. 1237-1, L. 1232-1 et L. 1235-1 du Code du travail.


ALORS D'AUTRE PART QUE lorsque le salarié démissionne en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture constitue une prise d'acte et produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit dans le cas contraire, d'une démission ; que seuls les agissements répétés de l'employeur ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel peuvent constituer un harcèlement moral ; que pour justifier sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail, Madame Y... expliquait qu'elle avait subi un harcèlement moral de la part de son employeur ; qu'en se fondant sur un fait isolé, qui, de surcroît, était insusceptible d'établir que Madame Y... avait effectivement subi des agissements constitutifs d'un harcèlement au sens de la loi et sans même constater que durant la relation de travail, la salariée aurait subi des agissements constitutifs d'un harcèlement moral au sens de la loi, la Cour d'appel a violé les articles L. 1231-1, L. 1237-1, L. 1232-1 et L. 1235-1 du Code du travail ensemble l'article L. 1152-1 du Code du travail.



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Cette décision est visée dans la définition :
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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.