par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 1er février 2012, 11-17050
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
1er février 2012, 11-17.050

Cette décision est visée dans la définition :
Communauté conjugale




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 10 décembre 2009), qu'au mois de novembre 1984, M. X... et Mme Y..., époux communs en biens, ont solidairement souscrit un emprunt auprès du Crédit agricole, remboursable en 7 ans, pour financer l'acquisition d'un fonds de commerce de boucherie-charcuterie exploité par le mari ; que, le 26 septembre 1990, les époux X... ont acquis une maison d'habitation située à Pissy Poville, au moyen d'un emprunt contracté auprès de la BNP ; qu'en 1992, M. X... a effectué une déclaration de suppression de l'activité de boucher-charcutier à compter du 13 juin 1987 ; que les échéances de l'emprunt souscrit auprès du Crédit agricole n'ayant pas été payées, cette banque a fait inscrire une hypothèque judiciaire définitive sur la maison d'habitation en exécution d'un arrêt de la cour d'appel de Rouen du 15 mai 1998 ; que le divorce des époux ayant été prononcé par un jugement du 27 juillet 1998, le notaire a établi, le 21 juin 2005, un procès-verbal de difficultés constatant leur désaccord quant à la liquidation et au partage de leur communauté ; que le Crédit agricole ayant introduit une procédure de saisie-immobilière, Mme Y... a, sur le fondement de l'article 1421 du code civil, assigné M. X... en paiement, soutenant que ce dernier avait commis une faute de gestion en s'abstenant de déclarer l'état de cessation des paiements dès le 13 juin 1987, prétendant qu'il avait laissé ainsi s'accroître la dette souscrite auprès du Crédit agricole, alors que le dépôt de bilan à cette date aurait entraîné la clôture de la procédure collective pour insuffisance d'actif et, en conséquence, l'effacement de la créance de la banque ;

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande et, en conséquence, de renvoyer les parties devant M. Z..., notaire, aux fins de régulariser un nouvel état liquidatif prenant en considération les paiements opérés par chacun pour le compte de la communauté, puis de l'indivision, alors, selon le moyen :


1°/ que chacun des époux a le pouvoir d'administrer seul les biens communs et d'en disposer, sauf à répondre des fautes qu'il aurait commises dans sa gestion ; qu'en se bornant à relever, pour débouter Mme Y... de ses demandes tendant à faire établir la gestion fautive de son ex-époux, que « quand bien même M. X..., qui exerçait seul l'activité de boucher-charcutier, et par suite seul habilité à déposer le bilan, l'aurait-il fait, la clôture pour insuffisance d'actif » n'aurait été qu'« éventuelle », la cour d'appel s'est déterminée par un motif hypothétique et impropre à dépouiller l'abstention de M. X... de son caractère fautif, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que la seule connaissance par l'épouse des agissements fautifs commis par le mari dans la gestion des biens communs ne suffit pas à exclure la qualification de faute de gestion à l'encontre de ce dernier ni à faire perdre aux agissements reprochés leur caractère fautif ; qu'en relevant, en l'espèce, pour débouter Mme Y... de ses demandes, que celle-ci avait connaissance de la mauvaise gestion du fonds de commerce par son époux mais qu'elle avait, en toute connaissance de cause (…) accepté de concourir à un nouvel emprunt, augmentant ainsi le passif commun », la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1421 du code civil ;

3°/ que, subsidiairement, en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si, en présence de fautes communes dont elle relevait l'existence, les agissements fautifs de M. X... n'impliquaient pas, à tout le moins, un partage de responsabilité et sa condamnation à proportion, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard de l'article 1421 du code civil ;

Mais attendu que la responsabilité d'un époux en raison de ses fautes de gestion ayant causé un dommage au patrimoine commun est engagée, sur le fondement de l'article 1421 du code civil, envers la communauté et non envers son conjoint, de sorte que les dommages-intérêts alloués en réparation du préjudice constituent une créance commune et non une créance personnelle de ce conjoint ; qu'il en résulte, qu'à les supposer fondées, les fautes de gestion alléguées par l'épouse ne pouvaient donner lieu à paiement de dommages-intérêts à son profit ; que, par ce motif de pur droit, substitué, dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile, à ceux critiqués, la décision déférée se trouve légalement justifiée ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;


Condamne Mme Y... aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Bénabent, avocat aux Conseils pour Mme Y....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame Y... de sa demande formée sur le fondement de l'article 1421 du Cod civil et d'avoir en conséquence renvoyé les parties devant Maître Z... aux fins de régulariser un nouvel état liquidatif prenant en considération les paiements opérés par chacun pour le compte de la communauté, puis de l'indivision ;

AUX MOTIFS PRORES QU'« aux termes de l'article 1421 du Code civil, chacun des époux a le pouvoir d'administrer seul les biens communs et d'en disposer, sauf à répondre des fautes qu'il aurait commises dans sa gestion ; que les actes accomplis sans fraude par un conjoint sont opposables à l'autre ; que l'époux qui exerce une profession séparée a seul le pouvoir d'accomplir les actes d'administration et de dispositions nécessaires à celle-ci ; le tout sous réserve des articles 1422 à 1425 ; qu'en l'espèce, Madame Y... reproche à son ex-mari sa gestion fautive du patrimoine commun, en ce que, malgré de mauvaises affaires, ses dettes s'élevant à la somme de 42. 198 euros dont 19. 153 euros au Crédit Agricole, il a refusé de déposer son bilan, optant pour une simple déclaration de « suppression de l'activité artisanale de boucheriecharcuterie à compter du 13 juin 1987 », puis a laissé la créance du Crédit Agricole augmenter ; qu'il est admis que les époux X...- Y... ont contracté un prêt de 128. 000 francs au taux de 13, 50 % souscrit auprès du Crédit Agricole, en novembre 1984, remboursable en 7 ans pour l'acquisition d'un fonds de commerce de boucherie-charcuterie ; que cette activité était exercée par Monsieur X... seul ; qu'il est également établi qu'ils ont acquis le 26 septembre 1990 un immeuble d'habitation situé à PISSY-POVILLE pour le prix de 380. 000 francs, financé pour partie au moyen d'un emprunt contracté auprès de la BNP d'un montant de 300. 000 francs sur lequel une hypothèque judiciaire définitive en exécution d'un arrêt rendu le 15 mai 1998 par la Cour d'appel de ROUEN, a été inscrite par le Crédit Agricole pour sûreté de la somme de 29. 431 euros ; qu'à la suite d'une procédure de saisie immobilière de l'immeuble commun constituant également le domicile de Madame Y..., diligentée en 2006, cet organisme financier a été désintéressé en 2007 ; que d'une part, quand bien même Monsieur X..., qui exerçait seul l'activité de boucher-charcutier, et par suite seul habilité à déposer le bilan, l'aurait-il fait, avec pour conséquence éventuelle une clôture pour insuffisance d'actif, Madame Y..., co-emprunteur solidaire, restait tenue à l'égard du CREDIT AGRICOLE ; que la créance de la banque étant une dette commune, le seul fait pour Monsieur X... de s'abstenir de déposer le bilan ne constitue pas une faute dans la gestion du patrimoine commun, au sens de l'article 1421 du Code civil ; que d'autre part, avant de souscrire le prêt auprès de la BNP pour l'acquisition de l'immeuble situé à PISSY POVILLE avec Monsieur X..., Madame Y... devait s'assurer que le remboursement du prêt au CREDIT AGRICOLE était effectué ; que c'est par suite en toute connaissance de cause qu'elle a accepté de concourir à un nouvel emprunt, augmentant ainsi le passif commun ; que c'est donc à bon droit que le Premier juge a débouté Madame Y... de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1421 du code civil ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU'« à supposer établie la situation de cessation des paiements dès le mois de juin 1987, avec cessation d'activité de boucher charcutier à cette date, sans dépôt de bilan par Monsieur X..., lequel poursuivait une activité commerciale de location de véhicules, il apparait que Madame Y... ne pouvait ignorer cette situation en 1990, alors qu'à cette date, elle signait l'acquisition d'une maison aux côtés de son époux, et un emprunt immobilier auprès de la BNP, une hypothèque judiciaire étant inscrite sur ce bien dès 1994 par le Crédit Agricole en garantie de sa créance impayée sur le prêt commun finançant le fonds de commerce de boucherie ; que la responsabilité fautive de Monsieur X..., dans la gestion des biens communs au sens de l'article 1421 du Code civil, ne saurait en conséquence ouvrir droit à réparation dans les termes de la demande formée par Madame Y..., dès lors qu'elle a accepté de concourir à un nouvel emprunt et d'aggraver ainsi la situation financière du couple, en toute connaissance de cause (…) » ;

1°/ ALORS QUE chacun des époux a le pouvoir d'administrer seul les biens communs et d'en disposer, sauf à répondre des fautes qu'il aurait commises dans sa gestion ; qu'en se bornant à relever, pour débouter Madame Y... de ses demandes tendant à faire établir la gestion fautive de son ex-époux, que « quand bien même Monsieur X..., qui exerçait seul l'activité de boucher-charcutier, et par suite seul habilité à déposer le bilan, l'aurait-il fait, la clôture pour insuffisance d'actif » n'aurait été qu'« éventuelle », la cour d'appel s'est déterminée par un motif hypothétique et impropre à dépouiller l'abstention de Monsieur X... de son caractère fautif, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;

2°/ ALORS QUE la seule connaissance par l'épouse des agissements fautifs commis par le mari dans la gestion des biens communs ne suffit pas à exclure la qualification de faute de gestion à l'encontre de ce dernier ni à faire perdre aux agissements reprochés leur caractère fautif ; qu'en relevant, en l'espèce, pour débouter Madame Y... de ses demandes, que celle-ci avait connaissance de la mauvaise gestion du fonds de commerce par son époux mais qu'elle avait, en toute connaissance de cause (…) accepté de concourir à un nouvel emprunt, augmentant ainsi le passif commun », la Cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1421 du Code civil ;

3°/ ALORS QUE SUBSIDIAIREMENT en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si, en présence de fautes communes dont elle relevait l'existence, les agissements fautifs de Monsieur X... n'impliquaient pas, à tout le moins, un partage de responsabilité et sa condamnation à proportion, la Cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard de l'article 1421 du Code civil.



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Cette décision est visée dans la définition :
Communauté conjugale


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.