par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 3, 21 septembre 2011, 10-25195
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Cour de cassation, 3ème chambre civile
21 septembre 2011, 10-25.195

Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Appel
Moyens et motifs




LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 juin 2010), que la Société financière et industrielle du Peloux (société SFIP), venant aux droits de la société Plasteurop, a été le fabricant de panneaux sandwichs isolants utilisés pour des chambres isothermes ; que ces panneaux ont été le siège de désordres en série à l'origine de très nombreux procès qui ont mis à jour un vice de fabrication provoquant une déformation de l'âme du panneau et un décollement des parements ; que la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (la SMABTP) considérant que les panneaux isolants n'étaient pas des EPERS a refusé sa garantie au titre des dommages matériels ; que des instances ont été engagées ; qu'en 2003, la société SFIP a été mise en liquidation judiciaire ; que M. X..., ès qualités de liquidateur de la société SFIP, a assigné la société SMABTP en paiement de sommes ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour débouter M. X..., ès qualités, de ses demandes, l'arrêt retient que la cour adopte l'exposé des faits et des moyens des parties des premiers juges ainsi que leurs motifs non contraires au présent arrêt ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle n'avait pas visé les écritures des parties avec leur date, sans exposer, même succinctement, les moyens développés en cause d'appel par ces parties, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :


CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. X..., ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils pour M. X..., ès qualités.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Maître X..., ès qualité de liquidateur judiciaire de la société SFIP, de toutes ses demandes, en le condamnant aux dépens de première instance et d'appel ;

Aux motifs que « la Cour adopte l'exposé des faits et des moyens des parties des premiers juges ainsi que leurs motifs non contraires au présent arrêt » ;

Alors qu'à défaut de viser les dernières conclusions des parties avec indication de leur date, le juge a l'obligation d'exposer, serait-ce succinctement, leurs moyens et prétentions; qu'en se bornant, après avoir visé les dernières écritures des parties sans indication de leur date, à adopter l'exposé de leurs moyens et prétentions tel qu'il résultait du jugement entrepris, à l'exclusion de tout rappel, fût-il sommaire, des moyens développés en cause d'appel, là où il résultait des mentions dudit jugement que la SMABTP, à défaut d'avoir constitué avocat en première instance, n'avait pu soumettre aux premiers juges les prétentions formulées à l'appui de son appel, la Cour d'appel, dont l'arrêt ne permet pas de vérifier que les termes du litige ont été respectés, a méconnu les exigences des articles 455, 458 et 954 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Maître X..., ès qualité de liquidateur judiciaire de la société SFIP, de toutes ses demandes, en le condamnant aux dépens de première instance et d'appel ;

Aux motifs que « Me X... ès qualité, recense 17 décisions judiciaires ayant retenu la qualification d'EPERS avant le jugement du 21 août 2003 prononçant la liquidation judiciaire de la SFIP, soit 13 jugements et deux arrêts de Cour outre deux ordonnances de référé ; qu'après le jugement de liquidation sont encore intervenus 4 arrêts de différentes cours et deux jugements de tribunaux avant que n'intervienne l'arrêt de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation du 26 janvier 2007 qui a jugé définitivement que le panneau préfabriqué et livré par la société Plasteurope était un EPERS ; que 10 arrêts du 25 avril de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation ont confirmé la position de l'Assemblée plénière ; que, par ailleurs, la SMABTP ayant invoqué la réticence intentionnelle lors de la déclaration du risque par Plasteurope et la nullité de la police, l'argumentation de l'assureur a été rejetée par un jugement du 15 février 2000 du TGI de Paris, confirmé par un arrêt de la Cour du 24 janvier 2002 ; que le pourvoi formé par la SMABTP a été rejeté par un arrêt du 13 janvier 2004 de la Cour de cassation jugeant que le pourvoi de la SMABTP abusif et prononçant une amende civile de 1.500 euros ;que quel que soit le fondement invoqué, la cause directe, adéquate et sine qua non des frais de défense engagés, de la mise en liquidation judiciaire de la société SFIP et de la perte de valeur de son fonds, tient aux malfaçons dont était affectée la production de cette société dans les années 1990 à 1992, et non directement au refus de garantie opposé par son assureur, que l'ampleur des sommes en jeu et le nombre des procédures ne tient pas au refus de la SMABTP d'accorder sa garantie, mais à l'importance de la clientèle de la société et à la généralisation des désordres à toute sa production, que c'est à l'évidence le retentissement de ce sinistre dans le milieu de la construction et de l'industrie alimentaire qui a détourné la clientèle du produit fabriqué par Plasteurope et conduit au dépôt de bilan, les clients de la société étant directement et en tout premier lieu intéressés à recevoir un produit indemne de tout désordre, avant que d'être préoccupés de la garantie de l'assureur du fabriquant, qu'à l'évidence, assurance ou pas, la clientèle ne pouvait que se détourner d'un produit défectueux ; que si le litige a donné lieu à des procédures lourdes et complexes mettant en cause de nombreux intervenants, ce n'est aucunement du seul fait de la résistance de la SMABTP, que le refus de considérer les panneaux litigieux n'était pas le fait exclusif de la SMABTP mais un argument soutenu par d'autres assureurs de la société comme les MMA, que l'on constate la présence d'un pool d'assureurs, dont des sociétés belges, qu'il s'en est suivi la nécessité de mettre en cause la totalité des assureurs de la société, que c'est ainsi qu'environ 40 sinistres ont été du ressort de la Mutuelles du Mans et du GAN, que les assureurs belges ont soulevé l'incompétence des juridictions françaises et la nullité de leur contrat, que certains litiges ont fait l'objet de sursis à statuer dans l'attente de connaître la position de la Cour de justice des Communautés européennes avant que la Cour de cassation statue en faveur du rejet de l'exception d'incompétence ; qu'un certain nombre de juridictions, Tribunaux ou Cour d'appel – dont Paris, Montpellier et Besançon – donnant raison à la SMABTP, ont écarté la qualification d'EPERS, qu'il a fallu l'arrêt de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation du 26 janvier 2007 pour trancher le litige, que la 3ème chambre de la Cour de cassation a d'ailleurs, encore après cet arrêt, rendu une décision rejetant un pourvoi à l'encontre de la décision rendue par la Cour de Besançon ; que l'arrêt de la Cour de cassation du 13 janvier 2004 déclarant le pourvoi de la SMABTP abusif ne concerne que le litige ayant opposé les parties sous l'angle de la nullité de la procédure et aucunement sous celui de la qualification d'EPERS, qu'en tout état de cause l'arrêt n'autorise de considérer comme abusif que le seul pourvoi formé à son occasion et sûrement pas d'en tirer des conclusions générales sur le caractère abusif de l'ensemble de ladite procédure et encore moins des procédures nées du refus de l'assureur d'accorder sa garantie pour d'autres motifs ; que le caractère abusif du comportement de la SMABTP ne pouvait être invoqué et jugé qu'à l'occasion de chacune des instances auxquelles le litige a donné lieu, que soit la demande n'a pas été formulée à l'époque et ne peut plus l'être, soit elle a été écartée par les décisions déjà rendues, soit même, s'il y a été fait droit, les décisions sont dès lors définitives y compris quant au préjudice qui en a été déduit, que c'est à tort que Me X... prétend, par le moyen d'une seule instance nouvelle, mais s'appuyant sur toutes celles intervenues précédemment, faire juger de manière globale et par principe du caractère abusif de la résistance de l'assureur » ;

Alors, d'une part, que le retard injustifié ou la résistance abusive de l'assureur dans le règlement de l'indemnité d'assurance constitue un manquement à son obligation d'exécuter le contrat de bonne foi ; que pour débouter M. X..., ès qualité, des demandes d'indemnisation dont il l'avait saisie de ce chef, la Cour d'appel a retenu que « quel que soit le fondement invoqué, la cause directe, adéquate et sine qua non des frais de défense engagés, de la mise en liquidation judiciaire de la société SFIP et de la perte de valeur de son fonds », tenait « aux malfaçons dont était affectée la production de cette société dans les années 1990 à 1992, et non directement au refus de garantie opposé par son assureur », et que « si le litige » avait « donné lieu à des procédures lourdes et complexes mettant en cause de nombreux intervenants, ce n'est aucunement du seul fait de la résistance de la SMABTP », puisque « le refus de considérer les panneaux litigieux ... » était « un argument soutenu par d'autres assureurs de la société comme les MMA » et que « la présence d'un pool d'assureurs, dont des sociétés belges », avait nécessité la mise « en cause de la totalité des assureurs de la société … » ; qu'en se déterminant par ces motifs, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant expressément invitée, si le refus systématique et injustifié de garantie opposé par la SMABTP, dès lors qu'il avait contraint son assurée à assumer elle-même le poids des réparations devant être effectuées et à supporter les frais inhérents à l'appel en garantie de ses autres assureurs, n'avait pas contribué à la détérioration de sa situation financière, la Cour d'appel, qui s'est fondée sur des motifs inopérants, n'a pas donné de base légale à son arrêt au regard des articles 1134, alinéa 3, 1147 et 1153 du Code civil ;

Alors, d'autre part, que le droit d'ester en justice, tout comme celui de résister à une demande en justice, dégénèrent en abus lorsqu'une partie a conscience du caractère infondé de ses prétentions, notamment parce qu'elle a été suffisamment éclairée par les motifs de décisions antérieurement rendues ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que « 17 décisions judiciaires » avaient « retenu la qualification d'EPERS avant le jugement du 21 août 2003 prononçant la liquidation judiciaire de la SFI (…) », que postérieurement étaient « encore intervenus 4 arrêts de différentes cours et deux jugements de tribunaux », qu'un « arrêt de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation du 26 janvier 2007 » avait jugé « définitivement que le panneau préfabriqué et livré par la société Plasteurope était un EPERS », que « 10 arrêts du 25 avril de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation » avaient « confirmé la position de l'Assemblée plénière », tandis que, parallèlement, les arguments tirés de la réticence intentionnelle de l'assurée lors de la déclaration du risque et de la nullité de la police avaient été rejetés « par un jugement du 15 février 2000 du TGI de Paris, confirmé par un arrêt de la Cour du 24 janvier 2002 », et que « le pourvoi formé par la SMABTP » avait été rejeté « par un arrêt du 13 janvier 2004 de la Cour de cassation jugeant que le pourvoi de la SMABTP abusif et prononçant une amende civile de 1.500 euros » ; qu'en déboutant Maître X..., ès qualités, de son action en indemnisation fondée sur le comportement abusif de la SMABTP, là où il résultait de ses propres constatations que la SMABTP, eu égard aux motifs des décisions antérieurement rendues, ne pouvait se méprendre sur la portée de ses droits et avait nécessairement conscience du caractère infondé du refus de garantie opposé à son assurée, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient, a violé les articles 1382 et 1383 du Code civil ;


Alors, enfin, que le droit d'ester en justice, tout comme celui de résister à une demande, dégénèrent en abus lorsqu'une partie a conscience du caractère infondé de ses prétentions et que, suffisamment éclairée par les motifs de décisions antérieurement rendues, elle ne pouvait se méprendre sur la portée de ses droits ; qu'en énonçant néanmoins, pour débouter Maître X..., ès qualité, de ses demandes, que « le caractère abusif du comportement de la SMABTP ne pouvait être invoqué et jugé qu'à l'occasion de chacune des instances auxquelles le litige a donné lieu », et que ce dernier ne pouvait dès lors « prétendre, par le moyen d'une seule instance nouvelle, mais s'appuyant sur toutes celles intervenues précédemment, faire juger, de manière globale, et par principe, du caractère abusif de la résistance de l'assureur », la Cour d'appel a violé les articles 1382 et 1383 du Code civil.



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Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Appel
Moyens et motifs


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.