par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 9 mars 2010, 08-21547
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Cour de cassation, chambre commerciale
9 mars 2010, 08-21.547

Cette décision est visée dans la définition :
Dirigeant de société




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° M 08-21.547 formé par la société EPF Partners et M. X... et n° D 08-21.793 formé par MM. Y... et Z..., qui attaquent le même arrêt ;


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société anonyme Y... (la société), qui fournissait aux collectivités locales et aux industriels des prestations de service portant sur l'analyse et la maîtrise de leurs investissements dans le domaine de l'environnement et de l'aménagement du territoire, a été admise au nouveau marché de la bourse de Paris le 12 mai 2000 ; qu'il a été procédé, par la suite, à trois nouvelles augmentations de capital par offre de titres au public la dernière en juillet 2002 ; qu'à partir de l'exercice 2000, la société est passée d'une méthode dite de comptabilisation "à l'achèvement" à celle de la comptabilisation "à l'avancement" du chiffre d'affaires au titre de ses contrats à long terme ; que le 30 avril 2004, la société a suspendu la cotation de son action dans l'attente de la publication de ses comptes à la suite d'un audit effectué en décembre 2003, qui avait conclu à la nécessité d'une évaluation du poste "produits non encore facturés" ; que selon le rapport d'audit, ce poste devait être évalué entre quatre et huit millions d'euros au lieu des quarante sept millions d'euros publiés au titre de l'exercice 2002 ; que la société a été mise en redressement judiciaire sur déclaration de l'état de cessation des paiements par jugement du 2 juillet 2004 ; qu'après l'adoption d'un plan de cession des actifs de la société, l'action Y... a été radiée de la cote par Euronext le 14 avril 2005 ; que, le 3 mars 2006, M. A... et d'autres actionnaires de la société, faisant valoir qu'ils avaient été incités à investir dans le titre Y... et à conserver leurs actions en raison de fausses informations diffusées par les dirigeants, d'une rétention d'informations et d'une présentation aux actionnaires de comptes inexacts, ont assigné M. Y..., ancien président du conseil d'administration de la société, ainsi que la société EPF Partners, MM. X... et Z..., anciens membres du conseil d'administration ; que ces actionnaires et d'autres qui sont intervenus à l'instance aux mêmes fins (les consorts A...) ont demandé paiement d'une certaine somme à titre de dommages-intérêts, à répartir entre les cent soixante demandeurs, selon le montant de leurs pertes respectives ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° M 08-21.547, qui est recevable, et le premier moyen du pourvoi n° D 08-21.793, qui est recevable, réunis :

Attendu que la société EPF Partners et MM. X..., Y... et Z... font grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevables les demandes des actionnaires de la société, alors, selon le moyen :

1°/ qu'est irrecevable l'action engagée par un actionnaire contre des dirigeants sociaux dès lors que le préjudice qu'il invoque n'est que le corollaire du dommage causé à la société et n'a aucun caractère personnel ; que la cour d'appel, qui s'est bornée à énoncer de façon générale et abstraite que subissent un préjudice personnel les actionnaires qui ont été incités à souscrire ou à conserver des titres par les manoeuvres de dirigeants ayant consisté à donner une vision tronquée de la situation de l'entreprise, sans rechercher si, en l'espèce, chaque actionnaire demandeur avait, eu égard aux conditions de son propre investissement, subi un préjudice personnel susceptible d'avoir été causé par des manoeuvres des administrateurs de la société Y..., a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-252 du code de commerce ;

2°/ que lorsque le redressement ou la liquidation judiciaire d'une société fait apparaître une insuffisance d'actif, les dispositions des articles L. 651-2 et L. 651-3 du code de commerce, qui ouvrent, aux conditions qu'ils prévoient, une action en paiement des dettes sociales à l'encontre des dirigeants en cas de faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif, ne se cumulent pas avec celle des articles L. 225-251 et L. 225-252 du code de commerce ; que, dès lors, un actionnaire est irrecevable à exercer contre l'ancien dirigeant, à qui il impute des fautes de gestion, l'action en responsabilité qui appartient exclusivement aux personnes mentionnées à l'article L. 651-3 du code de commerce ; qu'en l'espèce il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la société Y... avait fait l'objet d'un redressement judiciaire, prononcé le 2 juillet 2004 ; que les actionnaires demandeurs reprochaient à la société EPF Partners et à M. X... des fautes de gestion, qui ont d'ailleurs été retenues par la cour d'appel ; qu'en déclarant néanmoins recevable l'action en responsabilité engagée par les actionnaires contre d'anciens administrateurs, la cour d'appel a violé les articles L. 651-2 et L. 651-3 du code de commerce, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 ;

3°/ qu'un associé est irrecevable à agir, à titre individuel, à l'encontre des dirigeants en l'absence d'un préjudice personnel, distinct du préjudice social ; que la cour d'appel, qui a déduit le caractère personnel du préjudice subi par les actionnaires du caractère intentionnel de la faute qu'elle a retenue à l'encontre des dirigeants, sans préciser en quoi, indépendamment de cette faute, leur préjudice se distinguait du préjudice social, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-252 du code de commerce ;

4° / que ne constitue pas un préjudice personnel, distinct du préjudice social, celui résultant de la simple dévalorisation des titres de la société et ce, quelle qu'en soit la cause ; qu'en jugeant recevables les demandes des actionnaires sans avoir caractérisé en quoi leur préjudice, qu'elle a affirmé être égal à l'investissement qui avait été réalisé par chacun d'eux, était distinct de celui résultant de la dévalorisation des titres de la société Y..., la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-252 du code de commerce ;

5°/ que lorsque le redressement ou la liquidation judiciaires d'une société anonyme fait apparaître une insuffisance d'actif, les dispositions des articles L. 651-2 et L. 651-3 du code de commerce, qui ouvrent, aux conditions qu'ils prévoient, une action en paiement des dettes sociales à l'encontre des dirigeants en cas de faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif, ne se cumulent pas avec celles de l'article L. 225-252 du code de commerce ; qu'en déclarant recevables les demandes des actionnaires sans avoir recherché, ainsi que cela lui était demandé, si les procédures de redressement et de liquidation judiciaires successivement ouvertes en 2004 et 2005 à l'encontre de la société Y..., n'avaient pas fait apparaître une insuffisance d'actif qui aurait rendu impossible toute action individuelle des actionnaires fondée sur les dispositions de l'article L. 225-252 du code de commerce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 225-252 L. 651-2 et L. 651-3 dudit code ;

6°/ que si les tiers et notamment les créanciers peuvent agir directement contre les dirigeants d'une société qui fait l'objet d'une procédure collective pour des faits antérieurs au jugement d'ouverture, dès lors qu'ils font état d'un préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers et que ce préjudice résulte d'une faute du dirigeant séparable de ses fonctions sociales, une telle action n'est ouverte qu'à leur profit et non à celui des associés de ladite société ; qu'en décidant l'inverse, notamment par motifs adoptés des premiers juges, la cour d'appel a violé les articles L. 225-252, L. 651-2 et L. 651-3 du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, que la recevabilité de l'action exercée par un associé à l'encontre des dirigeants d'une société faisant l'objet d'une procédure collective, pour des faits antérieurs au jugement d'ouverture, est subordonnée à l'allégation d'un préjudice personnel, distinct de celui subi par la personne morale, peu important que la procédure collective fasse apparaître une insuffisance d'actif ;

Et attendu, en second lieu, qu'ayant constaté que les actionnaires de la société soutenaient qu'ils avaient été incités à investir dans les titres émis par celle-ci et à les conserver en raison de fausses informations diffusées par les dirigeants, d'une rétention d'information et d'une présentation aux actionnaires de comptes inexacts, la cour d'appel en a exactement déduit que le préjudice ainsi invoqué revêtait un caractère personnel ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi n° M 08-21.547 et le deuxième moyen du pourvoi n° D 08-21.793, réunis :

Attendu que la société EPF Partners et MM. X..., Y... et Z... font le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ que l'action en responsabilité contre les administrateurs, tant sociale qu'individuelle, se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation ; qu'il n'y a pas lieu
d'avoir égard à la date à laquelle sont perçues dans leur ensemble toutes les conséquences du fait dommageable ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, en fixant le point de départ du délai de prescription à la date de publication au BALO de comptes portant annulation de tous les produits non encore facturés, pour la raison que c'est seulement à ce moment que les actionnaires ont été avertis de la situation exacte de la société, quand elle retenait par ailleurs que le fait dommageable était constitué par les agissements des dirigeants sociaux et qu'elle ne constatait pas que ceux-ci eussent été dissimulés, a violé, par refus d'application, l'article L. 225-254 du code de commerce.

2° / que le tribunal de grande instance avait relevé, pour l'imputer à faute aux administrateurs, que la méthode de valorisation à l'avancement avait été retenue à partir de l'exercice 2000 sans que l'entreprise disposât des outils indispensables et que c'était seulement grâce à l'adoption d'une méthode de valorisation inadaptée dès le départ que la société Y... avait pu dégager artificiellement des bénéfices ; que, dans leurs conclusions d'appel, les actionnaires, se prévalant de l'analyse ainsi faite par les premiers juges, soutenaient que la société Y... « n'aurait tout simplement jamais dû passer à la méthode de comptabilisation de son chiffre d'affaires à l'avancement puisqu'elle ne disposait pas des moyens pour l'appliquer correctement » et qu'en ne prenant pas de mesures correctives les administrateurs avaient manqué à leurs obligations ; qu'en retenant que le fait dommageable n'était pas constitué par la difficulté liée à l'absence d'outils de gestion fiables au sein de la société, bien que les actionnaires fondassent leurs demandes, notamment, sur la faute qu'auraient commise les administrateurs pour ne pas avoir tiré les conséquence de ce que la société ne disposait pas des outils de gestion nécessaires, la cour d'appel a modifié les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

3° / qu'examinant le fond du litige, la cour d'appel a retenu à la charge des administrateurs, « dûment avisés des difficultés liées à l'absence d'outils fiables de gestion », de ne pas avoir envisagé un changement de méthode comptable ; qu'elle a également relevé « la carence de la société à mettre en place des outils de gestion fiables nécessités par l'adoption de la méthode de comptabilisation à l'avancement » ; qu'elle a aussi considéré, pour conclure à l'existence d'une faute des administrateurs, que ceux-ci, «qui participaient à la gestion de la société, doivent débattre de toutes difficultés portées à leur connaissance, ce qui était le cas des réserves émises par les commissaires aux comptes » ; qu'en se fondant, pour écarter l'exception de prescription, sur la détermination d'un fait dommageable qui n'intégrait pas les fautes reprochées aux administrateurs dans l'appréhension des difficultés liées à l'absence d'outils de gestion fiables, fautes qu'elle a pourtant retenues à leur charge, la cour d'appel a violé l'article L. 225-254 du code de commerce ;

4°/ qu'aux termes de l'article L. 225-254 du code de commerce, l'action en responsabilité contre les administrateurs, qu'elle soit sociale ou individuelle se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation ; qu'en fixant le point de départ du délai de prescription à la date de publication au BALO des comptes portant annulation de tous les produits non encore facturés, quand cette date correspondait, non à celle du fait dommageable ou de sa révélation, mais à celle à laquelle le préjudice des actionnaires s'était définitivement révélé à ces derniers, la cour d'appel a violé l'article L. 225-254 du code de commerce ;

5°/ qu'en statuant de la sorte quand elle avait par ailleurs constaté que le fait dommageable avait en l'espèce consisté dans des «agissements des dirigeants de nature à induire le public en erreur sur les résultats de la société », ce dont il résultait que c'était à la date de ces agissements que devait commencer à courir le délai de prescription, la cour d'appel a encore violé l'article L. 225-254 du code de commerce ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que c'est avec la publication au BALO du 3 décembre 2004 des comptes 2003 portant annulation de produits non encore facturés au 31 décembre 2003 à hauteur de 45 056 000 euros que les actionnaires ont, de fait, été avertis de la situation exacte de la société et ont pu constater que tant les comptes que les communiqués portés jusqu'alors à leur connaissance par les dirigeants de la société ne donnaient pas une image fidèle de sa situation, l'arrêt retient que le fait dommageable n'est pas constitué par la difficulté liée à l'absence d'outils de gestion fiables au sein de la société mais par les agissements de ses dirigeants qui, en ce qu'ils ont incité les actionnaires à acquérir ou à conserver les titres de la société, sont à l'origine du préjudice par eux allégué ; que l'arrêt ajoute que la carence de la société à mettre en place les outils de gestion fiables nécessités par l'adoption de la méthode de comptabilisation à l'avancement, est à rapprocher des communiqués très optimistes qui présentaient la société sous un jour particulièrement favorable, en omettant de rappeler les réserves émises par les commissaires aux comptes mais aussi, en faisant état pour certains d'entre eux, de comptes consolidés pro forma sans préciser que les évolutions d'une année sur l'autre n'étaient pas à périmètre constant ; que l'arrêt relève encore que ces informations ne faisaient que corroborer les résultats particulièrement favorables publiés jusqu'en 2002 et donner l'image d'une entreprise florissante alors que les dirigeants n'ignoraient pas leur incapacité à gérer efficacement les informations, s'agissant des produits non encore facturés ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, desquelles il résulte que le dommage invoqué a pour origine la dissimulation par les dirigeants de la société, au moyen de la diffusion d'une information trompeuse, de la situation financière de cette dernière et que le caractère trompeur de cette information leur a été révélé moins de trois ans avant l'introduction de l'instance, la cour d'appel, qui n'a pas modifié les termes du litige, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen du pourvoi n° M 08-21.547, pris en sa première branche :

Attendu que la société EPF Partners fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'elle avait engagé sa responsabilité à l'égard des actionnaires de la société et de l'avoir condamnée au paiement de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, qu'elle avait démissionné de son mandat d'administrateur par lettre du 20 septembre 2002 avec effet au 23 septembre 2002 ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que les administrateurs ont été avisés des difficultés liées à l'absence d'outils fiables de gestion par les rapports des commissaires aux comptes établis les 10 juin 2002 et 6 juin 2003 ; que l'information financière jugée trompeuse figure dans des communiqués publiés, selon l'arrêt attaqué, les 15 avril 2002, 23 octobre 2002, 14 février 2003, 11 avril 2003, 27 octobre 2003, 29 décembre 2003 ; que les faits reprochés aux administrateurs, qui ont été appréciés globalement par la cour d'appel, étaient ainsi, pour l'essentiel, postérieurs à la démission de son mandat d'administrateur donnée par la société EPF Partners ; qu'en omettant néanmoins de s'expliquer spécialement sur l'imputabilité à la société EPF Partners de la carence et de la rétention d'informations financières défavorables qu'elle retenait à la charge des administrateurs de la société Y..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 225-252 du code de commerce ;

Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que l'absence de sincérité des comptes, liée à l'adoption d'une méthode inadaptée dès le départ à la nature de l'activité de la société et étendue aux nombreuses entreprises rachetées chaque année, ne pouvait échapper au principal dirigeant, ni aux administrateurs avertis (MM. X..., Z... et la société EPF Partners), dont l'attention avait été attirée par les commissaires aux comptes sur le problème essentiel de la valorisation des encours ; qu'il relève que, conscients de l'absence de fiabilité des comptes présentés, M. Y... et les administrateurs de la société ont délibérément retenu les informations qui auraient été susceptibles de remettre en cause l'image de la société telle qu'elle se présentait au regard des comptes communiqués ; qu'il ajoute que s'il est vrai que M. Y... est seul à l'origine des communiqués de presse tronqués, les administrateurs, qui doivent débattre de toutes difficultés portées à leur connaissance, ce qui était le cas des réserves des commissaires aux comptes, ne sauraient arguer de ce qu'ils n'avaient pas connaissance du caractère trompeur tant des comptes que de ces communiqués ; que la cour d'appel a ainsi procédé à la recherche prétendument omise ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen du pourvoi n° M 08-21.547, pris en sa seconde branche, et le troisième moyen du pourvoi n° D 08-21.793, réunis :

Attendu que la société EPF Partners et MM. X..., Y... et Z... font encore grief à l'arrêt d'avoir déclaré fondées les demandes des actionnaires de la société, alors, selon le moyen :

1°/ que la responsabilité personnelle d'un dirigeant à l'égard des tiers ne peut être retenue que s'il a commis une faute séparable de ses fonctions et qui lui soit imputable personnellement ; que la faute est séparable lorsque le dirigeant commet intentionnellement une faute d'une gravité particulière incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales ; qu'en l'espèce, pour condamner la société EPF Partners et M. X... à indemniser les actionnaires de la société Y... de la perte de valeur de leurs titres, l'arrêt attaqué retient une carence des administrateurs à apprécier si la méthode de comptabilisation des travaux en cours était adaptée aux activités de la société Y... et si des outils de gestion fiables pouvaient être mis en place dans un délai raisonnable, ainsi que leur inaction face aux communiqués de presse trompeurs publiés par le président de la société Y... ; qu'en se déterminant par tels motifs, impropres à établir que la société EPF Partners et M. X... avaient commis intentionnellement des fautes d'une gravité particulière incompatibles avec l'exercice normal des fonctions sociales, la cour d'appel a violé les articles L. 225-251 et L. 225-252 du code de commerce ;

2°/ que la faute du dirigeant est séparable de ses fonctions et permet d'engager sa responsabilité personnelle lorsque celui-ci a intentionnellement commis une faute d'une gravité particulière incompatible avec l'exercice des fonctions sociales ; que la cour d'appel, qui a énoncé que la faute prétendument commise par les dirigeants sociaux était «intentionnelle », sans caractériser en quoi celle-ci était par ailleurs d'une particulière gravité, incompatible avec l'exercice des fonctions sociales, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 225-252, L. 651-2 et L. 651-3 du code de commerce ;

3° / qu'il était en l'espèce constant et non contesté que les réserves émises par les commissaires au comptes avaient fait l'objet, en application de l'article R. 232-11 du code de commerce, d'une publication régulière au BALO. tandis que celles-ci figuraient, à titre d'avertissement, en première page de tous les documents de référence de la société Y... ; qu'en retenant que le fait de ne pas avoir rappelé l'existence de ces réserves dans les communiqués rédigés à l'attention du marché, constituait une faute intentionnelle en ce que M. Y... et les administrateurs de la société auraient ainsi cherché à en dissimuler l'existence quand ces réserves étaient déjà connues ou, à tout le moins, accessibles au public par l'intermédiaire des documents de référence et des publications effectuées au BALO, ce dont il résultait qu'elles ne pouvaient plus être dissimulées, la cour d'appel a violé les articles L. 225-252, L. 651-2 et L. 651-3 du code de commerce ;

4°/ que MM. Y... et Z... avaient fait valoir, dans leurs conclusions d'appel respectives (cf. conclusions de M. Y..., p. 17-18 ; conclusions de M. Z..., p. 17 § 2 et 3), que si les réserves des commissaires aux comptes n'avaient pas été systématiquement rappelées dans chacun des communiqués rédigés à l'attention du marché, ces communiqués n'avaient pour autant fait état d'aucune information fallacieuse, les données y figurant ayant toujours été conformes à celles dont disposait alors la société Y... ; qu'en affirmant que ces communiqués étaient révélateurs d'une volonté de dissimulation et de tromperie constitutive d'une faute intentionnelle sans s'être seulement prononcée sur le point de savoir si les informations qui y figuraient étaient ou non exactes et correspondaient à la réalité des données dont disposait la société Y... au moment où ils avaient été rédigés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 225-252, L. 651-2 et L. 651-3 du code de commerce ;

5°/ que ne constitue pas une faute intentionnelle d'une particulière gravité, incompatible avec l'exercice des fonctions sociales, le fait d'avoir mis en place, sur une recommandation de la COB, une nouvelle méthode de comptabilisation du chiffre d'affaires dite « à l'avancement » alors que la société ne disposait pas des outils de gestion nécessaires à sa mise en oeuvre ; qu'en affirmant l'inverse, la cour d'appel a violé les articles L. 225-252, L. 651-2 et L. 651-3 du code de commerce ;

Mais attendu que la mise en oeuvre de la responsabilité des administrateurs et du directeur général à l'égard des actionnaires agissant en réparation du préjudice qu'ils ont personnellement subi n'est pas soumise à la condition que les fautes imputées à ces dirigeants soient intentionnelles, d'une particulière gravité et incompatibles avec l'exercice normal des fonctions sociales ; que le moyen, qui fait grief à la cour d'appel de ne pas avoir caractérisé de telles fautes, est inopérant ;

Mais sur la deuxième branche du quatrième moyen du pourvoi n° M 08-21.547 et la troisième branche du quatrième moyen du pourvoi n° D 08-21.793, réunis :

Vu l'article L. 225-252 du code de commerce ;

Attendu que celui qui acquiert ou conserve des titres émis par voie d'offre au public au vu d'informations inexactes, imprécises ou trompeuses sur la situation de la société émettrice perd seulement une chance d'investir ses capitaux dans un autre placement ou de renoncer à celui déjà réalisé ;

Attendu que l'arrêt retient que le préjudice des actionnaires de la société ne s'analyse pas en la perte d'une chance d'investir ailleurs leurs économies dès lors qu'il est, en réalité, au minimum de l'investissement réalisé ensuite des informations tronquées portées à leur connaissance ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en qu'il a déclaré M. A... et autres recevables en leurs demandes et mis hors de cause Mmes Anne et Cécile Y..., l'arrêt rendu le 6 octobre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens respectifs ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyens produits au pourvoi n° M 08-21.547 par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux conseils pour la société EPF Partners et M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré recevables les actions en responsabilité civile engagées par les actionnaires de la société Y... contre la société EPF Partners et Monsieur X... ;

AUX MOTIFS QUE subissent un préjudice personnel les actionnaires qui ont été incités à souscrire ou à conserver des titres par les manoeuvres avérées des dirigeants ayant consisté à donner une vision tronquée de la situation de l'entreprise ; que le préjudice de ces actionnaires est alors, au minimum, de l'investissement qu'ils ont réalisé sur la base des renseignements inexacts portés à leur connaissance ; que de telles manoeuvres, en ce qu'elles sont constitutives d'une faute intentionnelle d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales, ouvrent aux actionnaires qui en sont les victimes une action individuelle en réparation de leur préjudice personnel dont la mise en oeuvre n'est nullement empêchée par l'ouverture d'une procédure collective ;

1/ ALORS QU'est irrecevable l'action engagée par un actionnaire contre des dirigeants sociaux dès lors que le préjudice qu'il invoque n'est que le corollaire du dommage causé à la société et n'a aucun caractère personnel ; que la cour d'appel, qui s'est bornée à énoncer de façon générale et abstraite que subissent un préjudice personnel les actionnaires qui ont été incités à souscrire ou à conserver des titres par les manoeuvres de dirigeants ayant consisté à donner une vision tronquée de la situation de l'entreprise, sans rechercher si, en l'espèce, chaque actionnaire demandeur avait, eu égard aux conditions de son propre investissement, subi un préjudice personnel susceptible d'avoir été causé par des manoeuvres des administrateurs de la société Y..., a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-252 du Code de commerce ;

2/ ALORS QUE lorsque le redressement ou la liquidation judiciaire d'une société fait apparaître une insuffisance d'actif, les dispositions des articles L. 651-2 et L. 651-3 du Code de commerce, qui ouvrent, aux conditions qu'ils prévoient, une action en paiement des dettes sociales à l'encontre des dirigeants en cas de faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif, ne se cumulent pas avec celle des articles L. 225-251 et L. 225-252 du Code de commerce ; que, dès lors, un actionnaire est irrecevable à exercer contre l'ancien dirigeant, à qui il impute des fautes de gestion, l'action en responsabilité qui appartient exclusivement aux personnes mentionnées à l'article L. 651-3 du Code de commerce ; qu'en l'espèce il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la société Y... avait fait l'objet d'un redressement judiciaire, prononcé le 2 juillet 2004 ; que les actionnaires demandeurs reprochaient à la société EPF Partners et à Monsieur Olivier X... des fautes de gestion, qui ont d'ailleurs été retenues par la cour d'appel ; qu'en déclarant néanmoins recevable l'action en responsabilité engagée par les actionnaires contre d'anciens administrateurs, la cour d'appel a violé les articles L. 651-2 et L. 651-3 du Code de commerce, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit recevable l'action en responsabilité civile engagée contre la société EPF Partners et Monsieur Olivier X..., et d'avoir condamné ces derniers à payer diverses sommes aux demandeurs ;

AUX MOTIFS QU'il est constant que c'est avec la publication au BALO du 3 décembre 2004 des comptes 2003 portant annulation de tous produits non encore facturés au 31 décembre 2003 à hauteur de 45.056.000 € que les actionnaires ont de fait été avertis de la situation exacte de la société et ont pu constater que tant les comptes que les communiqués portés jusque là à leur connaissance par les dirigeants de la société ne donnaient pas une image fidèle de la situation ; que le tribunal en a exactement déduit que c'était à cette date que devait commencer à courir le délai de prescription ; que le fait dommageable n'est en effet pas constitué par la difficulté liée à l'absence d'outils de gestion fiables au sein de la société, mise en exergue dès 2002 par les commissaires aux comptes et portée sur les documents de référence de la société, mais par les agissements de ses dirigeants de nature à induire le public en erreur sur les résultats de la société, lesquels n'ont de fait pu être appréhendés que le 3 décembre 2004 avec la publication des comptes 2003 révélant la distorsion entre la situation réelle et celle présentée jusqu'alors ; que ce sont bien en effet ces agissements qui, en ce qu'ils ont incité les actionnaires à acquérir ou à conserver les titres de la société, sont à l'origine du préjudice par eux allégué ;

1/ ALORS QUE l'action en responsabilité contre les administrateurs, tant sociale qu'individuelle, se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation ; qu'il n'y a pas lieu d'avoir égard à la date à laquelle sont perçues dans leur ensemble toutes les conséquences du fait dommageable ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, en fixant le point de départ du délai de prescription à la date de publication au BALO de comptes portant annulation de tous les produits non encore facturés, pour la raison que c'est seulement à ce moment que les actionnaires ont été avertis de la situation exacte de la société, quand elle retenait par ailleurs que le fait dommageable était constitué par les agissements des dirigeants sociaux et qu'elle ne constatait pas que ceux-ci eussent été dissimulés, a violé, par refus d'application, l'article L. 225-254 du Code de commerce.

2/ ALORS QUE le tribunal de grande instance avait relevé, pour l'imputer à faute aux administrateurs, que la méthode de valorisation à l'avancement avait été retenue à partir de l'exercice 2000 sans que l'entreprise disposât des outils indispensables et que c'était seulement grâce à l'adoption d'une méthode de valorisation inadaptée dès le départ que la société Y... avait pu dégager artificiellement des bénéfices ; que, dans leurs conclusions d'appel, les actionnaires, se prévalant de l'analyse ainsi faite par les premiers juges, soutenaient que la société Y... « n'aurait tout simplement jamais dû passer à la méthode de comptabilisation de son chiffre d'affaires à l'avancement puisqu'elle ne disposait pas des moyens pour l'appliquer correctement » et qu'en ne prenant pas de mesures correctives les administrateurs avaient manqué à leurs obligations ; qu'en retenant que le fait dommageable n'était pas constitué par la difficulté liée à l'absence d'outils de gestion fiables au sein de la société, bien que les actionnaires fondassent leurs demandes, notamment, sur la faute qu'auraient commise les administrateurs pour ne pas avoir tiré les conséquence de ce que la société ne disposait pas des outils de gestion nécessaires, la cour d'appel a modifié les termes du litige en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;

3/ ALORS QUE examinant le fond du litige, la cour d'appel a retenu à la charge des administrateurs, « dûment avisés des difficultés liées à l'absence d'outils fiables de gestion », de ne pas avoir envisagé un changement de méthode comptable ; qu'elle a également relevé « la carence de la société à mettre en place des outils de gestion fiables nécessités par l'adoption de la méthode de comptabilisation à l'avancement » ; qu'elle a aussi considéré, pour conclure à l'existence d'une faute des administrateurs, que ceux-ci, «qui participaient à la gestion de la société, doivent débattre de toutes difficultés portées à leur connaissance, ce qui était le cas des réserves émises par les commissaires aux comptes » ; qu'en se fondant, pour écarter l'exception de prescription, sur la détermination d'un fait dommageable qui n'intégrait pas les fautes reprochées aux administrateurs dans l'appréhension des difficultés liées à l'absence d'outils de gestion fiables, fautes qu'elle a pourtant retenues à leur charge, la cour d'appel a violé l'article L. 225-254 du Code de commerce.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que la société EPF Partners et Monsieur Olivier X... ont engagé leur responsabilité vis-à-vis de divers actionnaires de la société Y... et de les avoir condamnés au paiement de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QUE dûment avisés, par les réserves figurant dans les rapports des commissaires aux comptes des 10 juin 2002 et 6 juin 2003, des difficultés liées à l'absence d'outils fiables de gestion et aux incertitudes en résultant sur les données relatives à l'activité de la société, les dirigeants n'ont pas cru devoir, avant le 23 décembre 2003, en informer le public ou envisager un changement de méthode comptable ou encore faire des provisions nécessaires ; que les dirigeants étaient seuls à même d'apprécier si la méthode de comptabilisation conseillée par la COB était ou non adaptée aux activités de la société et s'ils étaient ou non susceptibles de mettre en place, dans un délai raisonnable au regard de l'information qu'ils sont tenus de donner aux actionnaires, les outils de gestion fiables préconisés ; que la carence ainsi constatée des dirigeants est constitutive d'une faute ; que la carence de la société à mettre en place ces outils de gestion est à rapprocher des communiqués très optimistes diffusés dans la presse, qui présentaient la société sous un jour particulièrement favorable non seulement en omettant de rappeler les réserves émises par les commissaires aux comptes mais aussi en faisant état, pour certains d'entre eux, de comptes consolidés pro forma sans préciser que les évolutions d'une année sur l'autre n'étaient pas à périmètres constants ; que conscients de l'absence de fiabilité des comptes présentés, Pierre-Henri Y... et les administrateurs de la société ont délibérément retenu les informations qui auraient été susceptibles de remettre en cause l'image de la société telle qu'elle se présentait au regard des comptes communiqués ; que s'il est vrai que Pierre-Henri Y... est seul à l'origine des communiqués de presse tronqués, les administrateurs ne sauraient pour autant arguer de ce qu'ils n'avaient pas connaissance du caractère trompeur tant des comptes présentés que des communiqués de presse diffusés ; que les administrateurs ne sauraient admettre que le président fasse état dans ses communiqués d'informations trompeuses sur la situation réelle de l'entreprise ;

1/ ALORS QUE la société EPF Partners avait démissionné de son mandat d'administrateur par lettre du 20 septembre 2002 avec effet au 23 septembre 2002 ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que les administrateurs ont été avisés des difficultés liées à l'absence d'outils fiables de gestion par les rapports des commissaires aux comptes établis les 10 juin 2002 et 6 juin 2003 ; que l'information financière jugée trompeuse figure dans des communiqués publiés, selon l'arrêt attaqué, les 15 avril 2002, 23 octobre 2002, 14 février 2003, 11 avril 2003, 27 octobre 2003, 29 décembre 2003 ; que les faits reprochés aux administrateurs, qui ont été appréciés globalement par la cour d'appel, étaient ainsi, pour l'essentiel, postérieurs à la démission de son mandat d'administrateur donnée par la société EPF Partners ; qu'en omettant néanmoins de s'expliquer spécialement sur l'imputabilité à la société EPF Partners de la carence et de la rétention d'informations financières défavorables qu'elle retenait à la charge des administrateurs de la société Y..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 225-252 du Code de commerce ;

2/ ALORS QUE la responsabilité personnelle d'un dirigeant à l'égard des tiers ne peut être retenue que s'il a commis une faute séparable de ses fonctions et qui lui soit imputable personnellement ; que la faute est séparable lorsque le dirigeant commet intentionnellement une faute d'une gravité particulière incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales ; qu'en l'espèce, pour condamner la société EPF Partners et Monsieur X... à indemniser les actionnaires de la société Y... de la perte de valeur de leurs titres, l'arrêt attaqué retient une carence des administrateurs à apprécier si la méthode de comptabilisation des travaux en cours était adaptée aux activités de la société Y... et si des outils de gestion fiables pouvaient être mis en place dans un délai raisonnable, ainsi que leur inaction face aux communiqués de presse trompeurs publiés par le président de la société Y... ; qu'en se déterminant par tels motifs, impropres à établir que la société EPF Partners et Monsieur X... avaient commis intentionnellement des fautes d'une gravité particulière incompatibles avec l'exercice normal des fonctions sociales, la cour d'appel a violé les articles L. 225-251 et L.du Code de commerce.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que la société EPF Partners et Monsieur Olivier X... ont engagé leur responsabilité vis-à-vis de divers actionnaires de la société Y... et de les avoir condamnés au paiement de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QUE si c'est improprement que le premier juge a considéré que le préjudice s'analyse en une perte de chance d'investir ailleurs leurs économies, alors qu'il est en réalité, comme rappelé précédemment, au minimum de l'investissement réalisé ensuite des informations tronquées portées à la connaissance des actionnaires, sa décision mérite cependant confirmation sur le montant des sommes allouées à titre de dommages-intérêts ; que le premier juge a en effet fait droit aux demandes qui lui étaient présentées, lesquelles correspondent, pour chacun des actionnaires, à l'investissement par lui réalisé ; que les dirigeants ne peuvent reprocher aux actionnaires le caractère spéculatif de leurs acquisitions ; que les petits porteurs sont en effet fondés tant à acquérir des titres d'une société qui annonce un très bon objectif de croissance qu'à acquérir ou conserver des titres en baisse dans un marché déprimé si les annonces qui leur sont faites sur les perspectifs de croissance et d'augmentation du chiffre d'affaires sont optimistes ;

1/ ALORS QUE le préjudice né de la conservation d'actions acquises antérieurement à la diffusion d'informations inexactes ou trompeuses et conservées ultérieurement ne présente pas de caractère certain ; qu'en décidant, sans distinguer entre les actionnaires de la société Y... ayant acheté et ceux ayant conservé des titres pendant la période au cours de laquelle l'information financière était défectueuse, que le préjudice subi par tous était constitué par l'investissement réalisé, la cour d'appel a violé les articles L. 225-252 du Code de commerce et 1382 du Code civil ;

2/ ALORS QU'en toute hypothèse, ceux qui achètent ou conservent une action sur la base d'une information financière inexacte ou trompeuse perdent une chance d'investir leurs capitaux dans d'autres placements ou de renoncer à celui déjà réalisé ; qu'en retenant que c'était à tort que le juge de première instance avait considéré que le préjudice s'analysait en une perte de chance d'investir ailleurs leurs économies, la cour d'appel a violé les articles L. 225-252 du Code de commerce et 1382 du Code civil ;

3) ALORS QU' en ne recherchant pas, bien qu'elle y fût invitée par la société EPF Partners et Monsieur Olivier X... dans leurs conclusions d'appel, si certains actionnaires, qui étaient intervenus massivement sur le titre Y... après novembre 2003, n'avaient pas pris leur décision d'investissement pour d'autres raisons que l'information véhiculée par les communiqués diffusés par l'émetteur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 225-252 du Code de commerce et 1382 du Code civil.

Moyens produits au pourvoi n° D 08-21.793 par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux conseils pour MM. Z... et Y...,

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré recevable les demandes des anciens actionnaires et d'AVOIR en conséquence condamné Monsieur Z... et Monsieur Y... in solidum avec Monsieur X... et la société EPF PARTNERS, à leur payer une somme totale de 1.409.732 euros correspondant à la totalité de la dépréciation alléguée de leurs titres Y... ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE subissent un préjudice personnel, les actionnaires qui ont été incités à souscrire ou conserver des titres par les manoeuvres avérées des dirigeants ayant consisté à donner une vision tronquée de la situation de l'entreprise ; que le préjudice des actionnaires est alors au minimum de l'investissement qu'ils ont réalisé sur la base des renseignements inexacts portés à leur connaissance ; que ces manoeuvres, en ce qu'elles sont constitutives d'une faute intentionnelle d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales, ouvrent au profit des actionnaires qui en sont les victimes, une action individuelle contre les dirigeants, en réparation de leur préjudice personnel ; que sa mise en oeuvre n‘est nullement empêchée par l'ouverture d'une procédure collective ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE selon la jurisprudence la plus récente, la recevabilité d'une action en responsabilité personnelle engagée par un créancier à l'encontre du dirigeant d'une société mise en procédure collective, pour des faits antérieurs au jugement d'ouverture, est subordonnée à l'allégation d'un préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers résultant d'une faute du dirigeant séparable de ses fonctions ; que cette solution peut être étendue à l'action engagée par un associé sur le fondement des articles L. 225-251 et L. 225-252 du Code de commerce ;

ALORS, D'UNE PART, QU'un associé est irrecevable à agir, à titre individuel, à l'encontre des dirigeants en l'absence d'un préjudice personnel, distinct du préjudice social ; que la Cour d'appel, qui a déduit le caractère personnel du préjudice subi par les actionnaires du caractère intentionnel de la faute qu'elle a retenue à l'encontre des dirigeants, sans préciser en quoi, indépendamment de cette faute, leur préjudice se distinguait du préjudice social, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 225-252 du Code de commerce ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE ne constitue pas un préjudice personnel, distinct du préjudice social, celui résultant de la simple dévalorisation des titres de la société et ce, quelle qu'en soit la cause ; qu'en jugeant recevables les demandes des actionnaires sans avoir caractérisé en quoi leur préjudice, qu'elle a affirmé être égal à l'investissement qui avait été réalisé par chacun d'eux, était distinct de celui résultant de la dévalorisation des titres de la société Y..., la Cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-252 du Code de commerce ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QUE lorsque le redressement ou la liquidation judiciaires d'une société anonyme fait apparaître une insuffisance d'actif, les dispositions des articles L. 651-2 et L. 651-3 du Code de commerce, qui ouvrent, aux conditions qu'ils prévoient, une action en paiement des dettes sociales à l'encontre des dirigeants en cas de faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif, ne se cumulent pas avec celles de l'article L. 225-252 du Code de commerce ; qu'en déclarant recevables les demandes des actionnaires sans avoir recherché, ainsi que cela lui était demandé, si les procédures de redressement et de liquidation judiciaires successivement ouvertes en 2004 et 2005 à l'encontre de la société Y..., n'avaient pas fait apparaître une insuffisance d'actif qui aurait rendu impossible toute action individuelle des actionnaires fondée sur les dispositions de l'article L. 225-252 du Code de commerce, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 225-252 L. 651-2 et L. 651-3 dudit Code ;

ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE si les tiers et notamment les créanciers peuvent agir directement contre les dirigeants d'une société qui fait l'objet d'une procédure collective pour des faits antérieurs au jugement d'ouverture, dès lors qu'ils font état d'un préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers et que ce préjudice résulte d'une faute du dirigeant séparable de ses fonctions sociales, une telle action n'est ouverte qu'à leur profit et non à celui des associés de ladite société ; qu'en décidant l'inverse, notamment par motifs adoptés des premiers juges, la Cour d'appel a violé les articles L. 225-252, L. 651-2 et L. 651-3 du Code de commerce.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré recevable les demandes des anciens actionnaires et d'AVOIR en conséquence condamné Monsieur Z... et Monsieur Y... in solidum avec Monsieur X... et la société EPF PARTNERS, à leur payer une somme totale de 1.409.732 euros correspondant à la totalité de la dépréciation alléguée de leurs titres Y... ;

AUX MOTIFS QUE la Cour n'entend pas revenir sur le déroulement des faits ayant conduit à la déclaration par les dirigeants de l'état de cessation des paiement de la société Y... ; que les parties ne sont pas à cet égard contraires en fait même si elles tirent des circonstances de la cause des conséquences différentes ; qu'il est à cet égard constant que c'est avec la publication au B.A.L.O. du 3 décembre 2004 des comptes 2003 portant annulation de tous produits non encore facturés au 31 décembre 2003, à hauteur de 45.056.000 € que les actionnaires ont de fait été avertis de la situation exacte de la société et ont pu constater que tant les comptes que les communiqués portés jusque alors à leur connaissance par les dirigeants de la société ne donnaient pas une image fidèle de sa situation ; que le fait dommageable n'est pas constitué par la difficulté liée à l'absence d'outils de gestion fiables au sein de la société, mis en exergue dès 2002 par les commissaires aux comptes et portée sur les documents de référence de la société, mais par les agissements de ses dirigeants, éventuellement constitutifs d'une faute, de nature à induire le public en erreur sur les résultats de la société, lesquels n'ont pu être appréhendés que le 3 décembre 2004 avec la publication des comptes 2003 révélant une distorsion entre la situation réelle de la société et celle présentée jusqu'alors ; que ce sont bien effet ces agissements, en ce qu'ils ont incités les actionnaires à acquérir ou à conserver les titres de la société, qui sont à l'origine du préjudice ;

ALORS, D'UNE PART, QU'aux termes de l'article L. 225-254 du Code de commerce, l'action en responsabilité contre les administrateurs, qu'elle soit sociale ou individuelle se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation ; qu'en fixant le point de départ du délai de prescription à la date de publication au B.A.L.O. des comptes portant annulation de tous les produits non encore facturés, quand cette date correspondait, non à celle du fait dommageable ou de sa révélation, mais à celle à laquelle le préjudice des actionnaires s'était définitivement révélé à ces derniers, la Cour d'appel a violé l'article L. 225-254 du Code de commerce ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU'en statuant de la sorte quand elle avait par ailleurs constaté que le fait dommageable avait en l'espèce consisté dans des « agissements des dirigeants de nature à induire le public en erreur sur les résultats de la société », ce dont il résultait que c'était à la date de ces agissements que devait commencer à courir le délai de prescription, la Cour d'appel a encore violé l'article L. 225-254 du Code de commerce.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré recevables les demandes des anciens actionnaires et d'AVOIR en conséquence condamné Monsieur Z... et Monsieur Y... in solidum avec Monsieur X... et la société EPF PARTNERS, à leur payer une somme totale de 1.409.732 euros correspondant à la totalité de la dépréciation alléguée de leurs titres Y... ;

AUX MOTIFS QU'il est établi et non contesté que la société Y... ne disposait pas d'outils de gestion fiables, n'assurait pas la tenue d'une comptabilité analytique précise et ne pouvait exercer les contrôles nécessaires ; que les commissaires aux comptes avaient d'ailleurs dans leur rapport du 10 juin 2002 sur les comptes sociaux émis la réserve suivante : « votre société a opté dès l'exercice 2000 pour la comptabilisation de son chiffre d'affaires à l'avancement et a entrepris fin 2001 de mettre en place un outil informatique pour ce suivi. Cette mise en place n'est pas encore achevée. Pour cet exercice, compte tenu du contexte de croissance interne et externe très rapide le processus actuel a trouvé ses limites en terme de contrôle interne, notamment sur des aspects de fiabilité des pourcentages d'avancement et d'enregistrement exhaustif des affaires » ; que le rapport des commissaires aux comptes sur les comptes consolidés relatifs à l'exercice clos le 31 décembre 2002 établi le 6 juin 2003 contient une nouvelle réserve rappelant la réserve précédente et ajoutant « au 31 décembre 2002 le groupe, progressant dans ses objectifs pour améliorer le suivi des affaires, ne dispose cependant pas encore des outils nécessaires nous permettant de lever la réserve existante » ; que dûment avisés des difficultés liées à l'absence d'outils fiables de gestion et aux incertitudes en résultant sur les données relatives à l'activité de la société, les dirigeants n'ont pas cru devoir, avant le 23 décembre 2003, en informer le public ou envisager un changement de méthode comptable qui aurait permis une meilleurs lisibilité des résultats de la société ou encore faire les provisions nécessaires ; que ceux-ci pourtant avaient pleinement conscience du caractère très imparfait de la formation des résultats dès lors qu'il était reconnu, dans un communiqué du 29 décembre 2003, selon des explications rendues nécessaires par la réunion du conseil d'administration du 13 octobre 2003 au cours duquel les commissaires aux comptes avaient précisé qu'il était impossible de certifier les comptes consolidés au 30 juin 2003 en raison notamment de l'absence de fiabilité du résultat à l'avancement, que « la complexité et la diversité d'affaires indépendantes, leur petite taille et leur grand nombre rendent la traçabilité de la formation de ce résultat beaucoup trop incertaine » ; que l'écart entre les résultats publiés au 31 décembre 2002 évaluant à 47 M d'€ le poste « produits non encore facturés » et la fourchette située entre 4 et 8 M. d'€ correspondant à l'évaluation de ce même poste donnée par le cabinet MAZARS donne à cet égard la mesure de l'incapacité de la société à contrôler par un moyen efficace les informations données par ses propres services; qu'un tel écart démontre à cet égard la carence totale des dirigeants de la société au regard de l'avis n° 99-10 du Conseil National de la Comptabilité selon lequel l'utilisation de la méthode de comptabilisation à l'avancement de contrats dont l'exécution porte sur plusieurs exercices implique, pour la société concernée, la possibilité d'identifier clairement, à tout moment, le montant du prix de vente et les coûts imputables à chacun de ces contrats et, en outre, la société doit disposer d'un outil de gestion fiable, d'une comptabilité analytique et d'un contrôle interne qui doivent lui permettre de valider les pourcentages d'avancement, de réviser les estimations des charges, des produits et du résultat à terminaison ; qu'il importe peu à cet égard que la société Y... n'ait pas été à l'origine du changement de méthode de comptabilisation conseillée par la COB, les dirigeants étant seuls à même d'apprécier si la méthode conseillée était ou non adaptée à leurs activités et s'ils étaient ou non susceptibles de mettre en place, dans un délai raisonnable au regard de l'information qu'ils sont tenus de donner aux actionnaires, les outils de gestion fiables préconisés ; que la carence ainsi constatée des dirigeants est constitutive d'une faute dont ils ne peuvent s'exonérer en invoquant leur croyance dans la fiabilité des informations qui leur étaient communiquées par les services financiers sauf à admettre qu'il suffirait de ne pas mettre en place d'outils de gestion fiables dont on sait pourtant qu'ils sont indispensables, pour pouvoir utilement exciper de sa bonne foi ; que la carence de la société à mettre en place les outils de gestion fiables nécessités par l'adoption de la méthode de comptabilisation à l'avancement, dont il est constant qu'elle a eu pour effet de fausser l'opinion du public en ce que les comptes présentés, sans être inexacts, ne donnaient pas une image fidèle des résultats de l'entreprise, est à rapprocher des communiqués très optimistes diffusés dans la presse (15 avril 2002, 23 octobre 2002, 14 février 2993, 11 avril 2003,27 octobre 2003, 29 décembre 2003) qui présentaient la société sous un jour particulièrement favorable non seulement en omettant de rappeler les réserves émises par les commissaires aux comptes mais aussi en faisant état, pour certains d'entre eux, de comptes consolidés proforma sans préciser que les évolutions d'une année sur l'autre n'étaient pas à périmètres constants, notamment en ce que, alors que la société Y... avait acquis quatre entreprises en 2001 et quatre autres en 2002 les données relatives à un exercice prenaient en compte l'ensemble de l'activité réalisée dès le premier janvier de l'année concernée, même si les acquisitions d'entreprises étaient intervenus ultérieurement tandis que les informations relatives à l'exercice précédent n'étaient pas corrigées à la hausse ; que ces informations, qui étaient de nature à tromper le public, ne faisaient que corroborer les résultats particulièrement favorables publiés jusqu'en 2002 et donner l'image d'une entreprise florissante alors que les dirigeants n'ignoraient pas les conséquences des réserves émises par les commissaires aux comptes et leur incapacité à gérer efficacement les informations s'agissant des produits non encore facturés ; que Pierre-Henri Y..., auteur de ces communiqués de presse, ne saurait utilement soutenir que rien ne l'obligeait à rappeler les réserves des commissaires aux comptes dont les rapports de juin 2002 et juin 2003 avaient été publiés au BALO ; que ces publications ne l'autorisait pas en effet à présenter une image de la société nécessairement tronquée par le fait qu'il n' y était pas fait état des réserves des commissaires aux comptes ; que l'information financière contenue dans un communiqué se doit en effet d'être exacte, ce qui n'est pas le cas si elle se trouve amputée d'un élément déterminant, alors même qu'il aurait été porté par ailleurs à la connaissance du public, la Cour observant d'ailleurs que cette omission, dont on ne peut penser qu'elle était involontaire, était de nature à laisser croire au public que la situation de la société était et demeurait florissante malgré les réserves ayant pu être exprimées par ces derniers, lesquelles voyaient de fait leur effet limité ; que conscients de l'absence de fiabilité des comptes présentés, Pierre-Henri Y... et les administrateurs de la société ont délibérément retenu les informations qui auraient été susceptibles de remettre en cause l'image de la société telle qu'elle se présentait au regard des comptes communiqués ; que s'il est vrai que Pierre-Henri Y... - dont il convient d'observer qu'il a été condamné par l'autorité des marchés financiers ensuite des communiqués par lui diffusés, même si l'arrêt confirmatif de la Cour d'appel de Paris fait à ce jour l'objet d'un pourvoi- est seul à l'origine des communiqués de presse tronqués , les administrateurs ne sauraient pour autant arguer de ce qu'ils n'avaient pas connaissance du caractère trompeur tant des comptes présentés que des communiqués de presse diffusés ; que, comme le font observer avec raison les actionnaires, les administrateurs, qui participent à la gestion de la société, se doivent de débattre de toutes difficultés portées à leur connaissance, ce qui était le cas des réserves émises par les commissaires aux comptes et ne sauraient, sauf à considérer qu'ils en ont entériné les termes, admettre que le président fasse état dans ses communiqués d'informations trompeuses sur la situation réelle de l'entreprise ; que les manoeuvres délibérées des dirigeants, qui révèlent la volonté de fausser l'opinion du public, sont constitutives de fautes dont le tribunal a exactement considéré que, incompatibles avec l'exercice normal des fonctions sociales, elles engageaient la responsabilité personnelle des dirigeants ; qu'il ne peut être utilement soutenu en effet que, dès lors que les dirigeants n'avaient pas d'intérêt personnel à cacher la situation réelle de l'entreprise, il ne saurait être considéré qu'ils ont agi en connaissance de cause alors que le succès des augmentations successives de capital intervenues depuis la cotation en bourse reposait sur la présentation de la société faite par ses dirigeants ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la faute du dirigeant est séparable de ses fonctions et permet d'engager sa responsabilité personnelle lorsque celui-ci a intentionnellement commis une faute d'une gravité particulière incompatible avec l'exercice des fonctions sociales ; que la Cour d'appel, qui a énoncé que la faute prétendument commise par les dirigeants sociaux était « intentionnelle », sans caractériser en quoi celle-ci était par ailleurs d'une particulière gravité, incompatible avec l'exercice des fonctions sociales, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 225-252, L. 651-2 et L. 651-3 du Code de commerce ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU'il était en l'espèce constant et non contesté que les réserves émises par les commissaires au comptes avaient fait l'objet, en application de l'article R. 232-11 du Code de commerce, d'une publication régulière au B.A.L.O. tandis que celles-ci figuraient, à titre d'avertissement, en première page de tous les documents de référence de la société Y... ; qu'en retenant que le fait de ne pas avoir rappelé l'existence de ces réserves dans les communiqués rédigés à l'attention du marché, constituait une faute intentionnelle en ce que Monsieur Y... et les administrateurs de la société auraient ainsi cherché à en dissimuler l'existence quand ces réserves étaient déjà connues ou, à tout le moins, accessibles au public par l'intermédiaire des documents de référence et des publications effectuées au B.A.L.O., ce dont il résultait qu'elles ne pouvaient plus être dissimulées, la Cour d'appel a violé les articles L. 225-252, L. 651-2 et L. 651-3 du Code de commerce ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QUE Messieurs Y... et Z... avaient fait valoir, dans leurs conclusions d'appel respectives (cf. conclusions de M. Y..., p. 17-18 ; conclusions de M. Z..., p. 17 § 2 et 3), que si les réserves des commissaires aux comptes n'avaient pas été systématiquement rappelées dans chacun des communiqués rédigés à l'attention du marché, ces communiqués n'avaient pour autant fait état d'aucune information fallacieuse, les données y figurant ayant toujours été conformes à celles dont disposait alors la société Y... ; qu'en affirmant que ces communiqués étaient révélateurs d'une volonté de dissimulation et de tromperie constitutive d'une faute intentionnelle sans s'être seulement prononcée sur le point de savoir si les informations qui y figuraient étaient ou non exactes et correspondaient à la réalité des données dont disposait la société Y... au moment où ils avaient été rédigés, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 225-252, L. 651-2 et L. 651-3 du Code de commerce ;

ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE ne constitue pas une faute intentionnelle d'une particulière gravité, incompatible avec l'exercice des fonctions sociales, le fait d'avoir mis en place, sur une recommandation de la C.O.B., une nouvelle méthode de comptabilisation du chiffre d'affaires dite « à l'avancement » alors que la société ne disposait pas des outils de gestion nécessaires à sa mise en oeuvre ; qu'en affirmant l'inverse, la Cour d'appel a violé les articles L. 225-252, L. 651-2 et L. 651-3 du Code de commerce.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Monsieur Z... et Monsieur Y... in solidum avec Monsieur X... et la société EPF PARTNERS, à leur payer une somme totale de 1.409.732 euros correspondant à la totalité de la dépréciation alléguée de leurs titres Y... ;

AUX MOTIFS QUE si c'est improprement que le premier juge a considéré que le préjudice s'analysait en un perte de chance d'investir ailleurs leurs économies, alors qu'il est en réalité au minimum de l'investissement réalisé ensuite des informations tronquées portées à la connaissance des actionnaires, sa décision mérite cependant confirmation sur le montant des sommes allouées à titre de dommages et intérêts ; que le premier juge a en effet fait droit aux demandes qui lui étaient présentées, lesquelles correspondent, pour chacun des actionnaires, à l'investissement par lui réalisé ; qu'à tort les dirigeants soutiennent que le préjudice allégué ne serait que la conséquence de la décision de cession prise par le tribunal de grande instance de GUERET statuant en matière commerciale en faisant abstraction de ce que la saisine du tribunal n'est que la conséquence de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ensuite de la cessation des paiements de la société Y... ; qu'ils ne peuvent de même reprocher aux actionnaires le caractère spéculatif de leurs acquisition ; que les petites porteurs sont fondés tant à acquérir des titres d'une société qui annonce un très bon objectif de croissance qu'à acquérir ou conserver des titres en baisse dans un marché déprimé si les annonces qui leur sont faites sur les perspectives de croissance et d'augmentation du chiffre d'affaires sont optimistes, sauf à admettre que tout investissement en bourse relève d'une spéculation illégitime ;

ALORS, D'UNE PART, QUE dans leurs conclusions d'appel Monsieur Y... (p. 21 et 22) et Monsieur Z... (p. 18 et 19) faisaient valoir que le préjudice subi par les actionnaires ne constituait pas un préjudice réparable en ce qu'il se confondait avec la dévalorisation des titres de la société Y..., laquelle constituait un préjudice social ne permettant pas aux associés de mettre en oeuvre, à titre individuel, la responsabilité des dirigeants ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU'en ne distinguant pas, parmi les actionnaires, ceux qui avaient acquis leurs titres postérieurement au 29 43 décembre 2003, date à laquelle la société Y... avait formellement informé le marché des difficultés qu'elle rencontrait quand, à compter de cette date, ceux-ci, qui étaient parfaitement avisés de la situation, ne pouvaient plus prétendre avoir acquis leurs titres en raison du caractère incomplet des communiqués précédents qui n'avaient pas fait état des réserves émises par les commissaires aux comptes, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-252 du Code de commerce ;

ALORS, ENFIN ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE celui qui achète ou conserve une action sur la base d'une information financière incomplète perd seulement une chance d'investir ses capitaux dans d'autres placements ou de renoncer au placement déjà réalisé ; qu'en réparant l'entier dommage des actionnaires, la Cour d'appel a violé l'article L. 225-252 du Code de commerce, ensemble l'article 1382 du Code civil.



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Cette décision est visée dans la définition :
Dirigeant de société


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.