par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 3, 19 novembre 2003, 02-15887
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Cour de cassation, 3ème chambre civile
19 novembre 2003, 02-15.887

Cette décision est visée dans la définition :
Propriété commerciale




AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 avril 2002), que la société Théâtre Le Rex, locataire de locaux à usage de cinéma, a conclu avec Mme X... trois conventions successives d'occupation, dites d'occupation précaire, portant sur un local se situant entre l'accès à la grande salle de cinéma et l'accès aux petites salles, pour qu'elle y exerce une activité de vente de boissons et de confiseries, respectivement le 12 juin 1984 pour 23 mois à compter du 1er mai 1984, le 6 mai 1991 pour 23 mois à compter du 1er mai 1991 et le 19 décembre 1997 pour un an à compter du 1er janvier 1998 ; que, par lettre recommandée du 4 décembre 1998, la société Théâtre Le Rex a donné congé à Mme X... pour le 31 décembre 1998 ; que cette dernière l'a assignée pour demander que lui soit reconnu le bénéfice d'un bail commercial ;

Attendu que la société Théâtre Le Rex fait grief à l'arrêt de dire que Mme X... bénéficie à compter du 1er avril 1986 d'un bail commercial soumis au statut qui, à défaut de congé valable, s'est tacitement reconduit et d'annuler la convention du 19 décembre 1997, alors, selon le moyen :

1 / que, doit être qualifiée de précaire l'occupation dont la fragilité est justifiée par des circonstances particulières tenant à la nature des lieux occupés ; qu'en retenant, dès lors, pour écarter la qualification de convention d'occupation précaire et retenir celle de baux dérogatoires, que les conventions passées entre les parties ne faisaient état ni de circonstances exceptionnelles soustrayant leur terme à la volonté des parties ni de la possibilité pour la société Théâtre Le Rex d'y mettre fin unilatéralement , la cour d'appel a ajouté une condition à la loi et a violé les articles 1134 du Code civil et L. 145-1 du Code de commerce ;

2 / qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la fragilité de l'occupation, exclusive de l'application du statut des baux commerciaux, ne résultait pas de l'exiguïté et de la situation particulière des lieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L. 145-1 du Code de commerce ;

3 / que le locataire est libre de renoncer, en cours d'exécution du bail, au bénéfice du statut des baux commerciaux ; que la cour d'appel a successivement retenu que , dans la mesure où elle avait été laissée dans les lieux à l'expiration de la convention du 12 juin 1984, le 30 mars 1986, Mme X... avait acquis le droit de bénéficier du statut des baux commerciaux à compter de cette dernière date et que, le 19 décembre 1997, elle avait accepté de conclure une nouvelle convention d'une durée d'un an ; qu'en l'état de ces constatations d'où il résultait qu'après avoir acquis le droit au bénéfice du statut des baux commerciaux, Mme X... y avait renoncé en toute connaissance de cause pour conclure un bail dérogatoire, la cour d'appel ne pouvait déclarer nuls la convention du 19 décembre 1997 et le congé du 4 décembre 1998 sans violer, par refus d'application, les articles 1134 du Code civil et L. 145-5 du Code de commerce ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé, à bon droit, que la convention d'occupation précaire se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l'occupation des lieux n'est autorisée qu'à raison de circonstances exceptionnelles et pour une durée dont le terme est marqué par d'autres causes que la seule volonté des parties et ayant constaté l'absence de mention, dans les conventions, de l'existence de circonstances exceptionnelles marquant leur terme, la cour d'appel en a exactement déduit que, bien que qualifiées de conventions d'occupation précaire, lesdites conventions constituaient des baux dérogatoires de l'article L. 145-5 du Code de commerce ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant constaté que la première convention avait été conclue pour la période du 1er mai 1984 au 30 mars 1986, qu'à cette dernière date, Mme X... était restée dans les lieux et que la société Théâtre Le Rex l'avait laissée en possession, et ayant relevé qu'à aucun moment, postérieurement au 30 mars 1986, Mme X... n'avait renoncé au bénéfice du statut des baux commerciaux, la seule conclusion du deuxième bail dérogatoire le 6 mai 1991 ne valant pas renonciation, la cour d'appel a pu en déduire qu'il s'était opéré à compter du 1er avril 1986 un bail soumis au statut des baux commerciaux ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Théâtre Le Rex aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Théâtre Le Rex à payer à Mme X... la somme de 1 900 euros ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Théâtre Le Rex ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille trois.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 11/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.