par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



RECUSATION DEFINITION
Dictionnaire juridique

Définition de Récusation

en partenariat avec
Baumann Avocats Droit informatique

Pour assurer l'indépendance des juges et la neutralité qu'ils doivent observer au regard des parties, les magistrats qui, à l'occasion d'une affaire, pour des motifs qui leur sont personnels, craignent de se trouver influencer dans leur décision au regard d'une des parties, doivent, en dehors même de toute initiative prise par une d'elles ou par son avocat, prendre l'initiative de demander au Président de la Chambre à laquelle ils appartiennent ou au Président de leur juridiction, de désigner un autre magistrat pour participer aux débats et au délibéré. Les articles 339 et 340 du Code de procédure civile prévoient cette situation sous la dénomination d'abstention". On dit dans ce cas, que le juge "se déporte".

La récusation est applicable à toutes les juridictions. Ainsi jugé que la récusation d'un membre du Tribunal des conflits est prononcée s'il existe une raison sérieuse de mettre en doute son impartialité. Tel est le cas pour un membre du Tribunal des conflits qui a participé à une décision du Conseil d'Etat qui a jugé que le litige, relatif à un acte d'une autorité administrative, ne relevait pas de la juridiction administrative au motif que l'acte en cause touchait aux rapports entre les pouvoirs publics constitutionnels ou se rattachait directement aux rapports internationaux de la France. (Tribunal des conflits 18 mai 2015, pourvoi n° 15-03995, BICC n°831 du 15 novembre 2015 et Légifrance). En revanche, un magistrat ne peut faire l'objet d'une requête en récusation que dans l'exercice d'une fonction juridictionnelle ; tel n'est pas le cas du Premier président d'une Cour d'appel statuant sur le recours formé contre la décision de rejet d'un bureau d'aide juridictionnelle. (2e Chambre civile 17 septembre 2015, pourvoi n° 15-01497, BICC n°835 du 1er février 2016 et Legifrance. Consulter les commentaires de Madame Nathalie Blanc, Gaz. Pal.2015,1, p.21. et celui de M. Bertrand Mathieu, JCP 2015, éd. G, Chr. n° 1341, n°6).

Dès qu'il a communication de la demande, le juge doit s'abstenir jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la récusation et, si le juge s'oppose à la récusation ou ne répond pas, la demande de récusation est jugée sans délai par la cour d'appel. (1ère Chambre civile 12 juillet 2017, pourvoi n°16-22966, BICC n°874 du 15 janvier 2018 et Legifrance).

Lorsque l'initiative vient d'une partie ou de son avocat, le droit d'obtenir le remplacement du juge et la procédure qui y tend se dénomme la "récusation". Sur les conditions et sur la procédure suivie voir les articles L518-1 et R518-1 et s. du Code de l'organisation judiciaire et 341 et suivants du Nouveau Code de procédure civile.

Cependant, le fait qu'un juge se soit déjà prononcé dans un litige procédant d'un contentieux sériel n'est pas en soi de nature à porter atteinte à son impartialité pour connaître des autres litiges de ce même contentieux (2e Chambre civile 7 avril 2016, pourvoi : n°15-16091 15-16092 15-16093, BICC n°849 du 15 octobre 2016 et Legifrance).

Le Premier président d'une cour d'appel étant nommé pour exercer exclusivement ces fonctions, peu important que statutairement il appartienne à la Cour de cassation, seule une cour d'appel peut connaître d'une demande de récusation formée à son encontre au titre de l'exercice des fonctions qu'il exerce effectivement. (2e Chambre civile 26 mai 2016, pourvoi n°16-01602 16-01603 16-01604, BICC n°851 du 15 novembre 2016 et Legifrance). Consulter la note de M. Didier Cholet, JCP 2016, éd. G., Act. 710.

Les greffiers ne peuvent pas faire l'objet d'une requête en récusation ou en suspicion légitime, de sorte que toute demande en ce sensd est irrecevable (2e Chambre civile 4 mai 2017, pourvoi n°17-01683, BICC n°870 du 1er nvembre 2017 et Legifrance.

Quant à la forme, la recevabilité de la demande en récusation, elle est subordonnée à ce que la requête, qui ne peut être demandée que par un avocat aux Conseils, développe avec précision les motifs pour lesquels cette procédure a été engagée (2ème Chambre civile 24 janvier 2002, BICC n° 553, 1er avril 2002, n° 327). Au surplus la demande de récusation ou de renvoi pour cause de suspicion légitime doit être formée exclusivement par un acte remis au secrétariat de la juridiction à laquelle appartient le juge ou par une déclaration qui est consignée par le secrétaire dans un procès-verbal. Les demandes adressées par lettres recommandées adressées au premier président d'une cour d'appel sont irrecevables (Cass. 2ème Chambre civile 1er février 2006, BICC n°640 du 15 mai 2006).

En ce qui concerne les causes de récusation, on retiendra que ne contrevient pas aux exigences d'impartialité de l'article 6.1 et n'est pas une cause légale de récusation le fait pour un conseiller prud'homme d'appartenir à la même organisation syndicale (Chambre sociale 19 décembre 2003, pourvoi n°02-41429, Legifrance). En revanche, l'obligation d'impartialité interdit qu'un conseiller prud'homme en fonction lors de l'introduction de l'instance puisse représenter ou assister une partie devant le conseil de prud'hommes auquel il appartient. Dans ce cas, la procédure est entachée de nullité et aucune régularisation n'est possible. (Chambre sociale 16 septembre 2008, BICC n°694 du 15 janvier 2009 et Legifrance).

Un avocat avait déposé une requête en récusation mettant en cause l'impartialité des membres de la formation de jugement du conseil de l'ordre appelée à statuer dans cette instance. La Cour de cassation a jugé que terme d'« ami » employé pour désigner les personnes qui acceptent d'entrer en contact par les réseaux sociaux, ne renvoie pas à des relations d'amitié au sens traditionnel du terme : le réseau social est simplement un moyen de communication spécifique entre des personnes qui partagent les mêmes centres d'intérêt, et en l'espèce la même profession L'existence de contacts entre ces différentes personnes par l'intermédiaire de ces réseaux ne suffit pas à caractériser une partialité particulière. (2éme Chambre civile 5 janvier 2017, pourvoi n°16-12394, BICC n°862 du 15 mai 2017 et Legifrance). . Consulter la note de M. Hervé Croze, Rev. Procédures 2017, repère 3.

La récusation, qui ne concerne pas une contestation sur un droit ou une obligation de caractère civil, n'entre pas dans le champ d'application de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Une partie ne peut récuser l'ensemble des magistrats de l'ordre judiciaire. (2e Civ. - 13 novembre 2008, BICC, n°698 du 15 mars 2009). Lorsque le reproche met en cause plusieurs des juges de la même formation du Tribunal à laquelle l'affaire a été distribuée, il y a lieu à "renvoi" comme en matière de "suspicion légitime".

La récusation peut être soulevée devant n'importe quelle juridiction, même si le magistrat n'est pas un magistrat professionnel, par exemple un arbitre, un médiateur ou un Conseiller prud'homme, et à n'importe quel degré et concerner, par exemple, un membre de la Cour de Cassation. L'article L. 611-6 du code de commerce résultant de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005, prévoit que dans le cadre de la procédure de sauvegarde des entreprises, le débiteur puisse demander la récusation du conciliateur si ce dernier se trouve dans l'une des situations prévues à l'article 20 du Décret n°2005-1677 du 28 décembre 2005.

La Cour d'appel de Toulouse, (C. A. Toulouse (ordonnance réf.), 15 février 2001 BICC n°542), a jugé que si l'article 674 du Code de procédure pénale, qui subordonne la récusation d'office d'un juge à l'autorisation du Premier président de la Cour d'appel, fait référence seulement à l'article 668 du même Code, il demeure de principe que les causes pour lesquelles un juge peut être autorisé à s'abstenir ne sont pas déterminées par la Loi et qu'elles peuvent relever de sa seule conscience au regard de son devoir d'impartialité tel qu'exigé notamment par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans son arrêt du 22 mars 2006, la Cour de cassation a jugé (2ème CIV. - 22 mars 2006 - BICC n°643 du 1er juillet 2006) qu'en imposant aux parties une date de plaidoirie subordonnée à l'absence de requête en récusation ou en suspicion légitime, et à la renonciation expresse à invoquer les dispositions de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour d'appel a manqué à l'exigence d'impartialité et elle fait droit à la demande en récusation.

En outre, en l'absence de demande de récusation de la part des parties au procès, il ne peut être préjugé de la volonté d'abstention des autres juges du tribunal, alors même que l'affaire concerne indirectement l'un des magistrats de la juridiction.

Quant aux délais pour engager la procédure, il a été jugé par la Cour de cassation (2ème Civ. - 27 mai 2004 BICC du 15 septembre 2004 et par la même Chambre le 19 février 2004, Bull., II, n° 74, p. 63 - BICC 15 sept 2004 n°1347) que la partie qui veut récuser un juge doit, à peine d'irrecevabilité, le faire dès qu'elle a connaissance de la cause de récusation. Cette condition de recevabilité est applicable à la demande de renvoi pour cause de suspicion légitime et qu'est dès lors irrecevable comme étant tardive, la requête en renvoi dont les causes se rapportent à des arrêts rendus et signifiés dix-huit mois auparavant, le requérant ayant été en mesure de les faire valoir dès l'enrôlement de son appel interjeté huit mois avant la présentation de la requête.

Une requête en récusation est tardive lorsqu'elle été introduite plus d'un mois après que la partie concernée ait reçu les renseignements qui auraient altéré sa confiance dans le président du tribunal arbitral, et sans qu'aucune information complémentaire, qui ne fût notoire, ait été entre-temps découverte. Elle n'est plus recevable à invoquer à l'appui du recours en annulation de la sentence, les faits sur lesquels la requête est fondée (1ère Chambre civile 19 décembre 2018, pourvoi n°16-18349, BICC n°901 du 1er mai 2019 et Legifrance).

L'intervention a pour objet de rendre un tiers partie au procès. Seul le requérant à la récusation est partie à la procédure de récusation, de sorte que les interventions des autres parties au procès principal ne sont pas recevables. Ainsi jugé que l'intervention devant la Cour des syndicats qui n'étaient pas parties au procès principal, est irrecevable. (Chambre sociale 21 novembre 2012, pourvoi n°11-22455, BICC n°778 du 15 mars 2013 et Legifrance). Il n'existe pas de récusation des témoins entendus en matière civile.

La Loi 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation et de réforme dite "Loi Belloubet" qui est d'application immédiate, a fixé un certain nombre de règles relatives aux conditions dans lesquelles doivent se dérouler les procédures non-cotentieuses de résolution des litiges et quelles sont les dispositions de la Loi relatives aux règles auxquelles sont soumises les personnes et les organismes qui s'offrent à s'impliquer dans ces opérations. Consulter la rubrique "arbitrage".

Consulter : Impartialité.

Textes

  • Code de procédure civile, articles 234 et s., 339, 341 et s, 1027,1452, 1473.
  • Code de l'organisation judiciaire, articles L731-1 et s., R731-1.
  • Code du travail, articles L518-1 et s., R518-1 et s.
  • Bibliographie

  • Cadiet (L.), Droit judiciaire privé, 2ème éd, Paris, Litec, 1998.
  • Larguier (J.), Procédure civile - droit judiciaire privé, 16e éd, Paris, Dalloz, 1998.
  • Perrot (R.), Institutions judiciaires, 8e éd, Paris, Ed. Montchrestien, 1998.
  • Service d'Etudes et de Documentation de la Cour de cassation. Fiche méthodologique : L'exigence d'impartialité du juge dans le procès civil et les procédures de récusation et de renvoi pour cause de suspicion légitime, BICC n°679 du 1er avril 2008.

  • Liste de toutes les définitions